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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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majeur que représentait le transport sur soi de sommes importantes en espèces sonnantes et trébuchantes, de fondre des pièces d'or, d'en faire des plaques estampillées à son nom et valant chacune dix-huit louis… Nous devrions reconnaître à John Law l'invention du jeton de casino !

    Le roi est mort, vive le Régent !
    Comme la France, épuisée par sept années de guerre, souffrait misère sous un gouvernement perclus de dettes, John Law avait passé la frontière et, après mille péripéties, en utilisant les services d'intermédiaires plus ou moins recommandables, était parvenu à exposer son projet, dans l'antichambre d'une maison de rendez-vous, au neveu du roi Louis XIV, le duc d'Orléans. Bien qu'il fût à court d'argent, le souverain ne voulut plus entendre parler ni de Law ni de son système dès qu'il sut que cet inventeur de banque était étranger et protestant. Dans certains cas, Louis le Grand restait un homme à principes !
    La veine insolente que l'Écossais avait affichée dans les salles de jeu ayant indisposé la police, les Law avaient dû quitter la France pour l'Italie où John avait continué de s'enrichir, sans jamais parvenir à faire admettre le système bancaire qu'il perfectionnait sans cesse. Pendant sept années, il avait vécu à Gênes, Venise, Brunswick, Leipzig, Dresde, Weimar, Vienne, en Hongrie, en Bavière, proposant ses services et raflant sur les tapis verts de quoi faire vivre très confortablement sa femme, son fils et sa fille, née en 1712.
    Quand il avait appris, en septembre 1715, la mort de « l'homme souverain, le plus vraiment roi », d'après Goethe, ses pensées étaient retournées vers la France. Quand on avait publié que le duc d'Orléans devenait régent du royaume, Law avait subodoré une nouvelle chance. Le prince-régent, rencontré autrefois chez la Fillon, au milieu des filles de joie et de nobles débauchés, serait peut-être moins intransigeant que le défunt Roi-Soleil. Le fait que la dette publique de la France s'élevât à un milliard deux cents millions de livres et que les six cents millions de billets d'État en circulation aient perdu plus de quatre-vingts pour cent de leur valeur nominale ne pouvait que faciliter la présentation d'offres de service circonstanciées. L'Écossais avait aussitôt fait ses bagages et, débarquant à Paris, s'était installé dans un hôtel particulier, place Vendôme, à deux pas du domicile d'Antoine Crozat, qui passait pour l'homme le plus riche de Paris et qui détenait, depuis 1712 et pour quinze ans, le monopole d'exploitation de la Louisiane.
    En comptant sur le désarroi des responsables français des finances et sur la bienveillance intéressée du Régent, John Law avait vu juste. Son système avait été enfin adopté. La carrière tant convoitée s'était ouverte à l'ambitieux dont l'action en matière de finances marquerait le commencement d'une ère nouvelle, celle des banquiers.
    Quand Law vint faire ses propositions aux responsables français des finances, Saint-Simon, qui proclamait lui-même son « ineptie en toute matière de finance », écrivit : « Il y avait alors une affaire à éclore [1715] dont on se servit beaucoup pour le [le Régent] rendre si docile à l'égard du parlement. Un Écossais, de je ne sais quelle naissance, grand joueur et grand combinateur, et qui avait gagné fort gros en divers pays où il avait été, était venu en France dans les derniers temps du feu roi. Il s'appelait Law ; mais quand il fut plus connu, on s'accoutuma si bien à l'appeler Las, que son nom de Law disparut 2 . »
    Saint-Simon explique comment Law revit le Régent, le 24 octobre 1715, au cours d'un conseil de Finances extraordinaire. C'est ce jour-là que fut exposé officiellement le projet de création d'une banque générale imaginée par l'Écossais. Il s'agissait, pour développer l'activité économique, de remplacer le numéraire par une monnaie de banque qui faciliterait le crédit et les échanges. L'État devait naturellement être partie prenante dans le système.
    Saint-Simon parut, au commencement de leurs relations, n'avoir aucune sympathie pour l'Écossais. Son attitude se modifia à l'égard du financier quand il fut prouvé qu'il avait les faveurs de Philippe d'Orléans. Bientôt, le chroniqueur, qui vouait au Régent une amitié sans faille, reçut Law chaque mardi matin. Par prudence, sans doute, Saint-Simon affirme qu'il se défendit toujours de la

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