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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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rendu à Florence. Dans la ville des Médicis, il avait réussi un ou deux coups de Bourse et s'était ennuyé. On l'avait vu ensuite à Rome, où la présence du pape semblait assurer par avance l'absolution des péchés, notamment celui contre le sixième commandement, que commettaient, avec autant de frénésie qu'à Venise, des dames et demoiselles à qui saint Pierre eût confié ses clefs sans arrière-pensée ! Poursuivant son tour d'Italie, Law s'était arrêté à Naples pour étudier le fonctionnement de la Banque de l'Annonciade, un établissement de bonne réputation.
    À la fin de l'été 1700, approchant la trentaine, le fils de l'orfèvre d'Edimbourg, rompu aux spéculations audacieuses, ayant fait l'analyse et la synthèse des connaissances bancaires de l'époque, plein de souvenirs, sinon « d'usage et raison », était rentré en Écosse où l'attendait sa vieille maman.
    Il avait trouvé la veuve du premier baron de Lauriston en bonne santé, mais les finances et l'économie écossaises en pleine déconfiture. Il n'avait pas vu de chômeurs en Hollande et avait admiré que Venise n'eût que trois cents mendiants. En Écosse, on comptait deux cent mille pauvres affamés, qui grondaient en sourdine en attendant peut-être de menacer les biens des nantis.
    Un krach bancaire était à l'origine de cette situation. William Paterson, fondateur de la Banque d'Angleterre, avait lancé, en 1695, la Compagnie écossaise de l'Afrique et de l'Inde, qui s'était donné pour but la colonisation de l'isthme de Darién, entre l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud. Cette société avait inondé le marché d'actions, que les Écossais avaient d'autant plus prisées que les Anglais et les Hollandais, assez méfiants pour tout ce qui venait d'Écosse, s'étaient abstenus d'en acquérir.
    De cette colonie lointaine, on ne devait jamais connaître que le nom, Nouvelle-Calédonie, car les Espagnols, peu enclins à admettre des étrangers dans une région du Nouveau Monde sur laquelle ils s'étaient arrogé un pouvoir arbitraire, avaient décimé la troupe enthousiaste des jeunes colons écossais. Parmi les rescapés rentrés à Édimbourg figurait un pitoyable dément, Paterson. John Law connaissait ce compatriote qui, autrefois, à Londres, l'avait assez grossièrement éconduit, à l'époque où le promoteur se battait contre l'incrédulité générale pour imposer son idée de banque. En ce temps-là, l'homme d'expérience n'avait pas supporté qu'un freluquet, même écossais comme lui, vînt faire des suggestions.
    Maintenant que la banqueroute de la colonie mort-née avait entraîné celle de la Banque d'Angleterre, que William Paterson divaguait ouvertement et que l'Écosse était en faillite, le spéculateur aurait pu connaître la jouissance perverse de celui dont on a méprisé les conseils, sous-estimé les talents et qui voit triompher ses idées. Mais John Law avait la fibre écossaise et ne manquait pas de charité. Souffrant de voir son pays dans une situation aussi humiliante, il se mit au travail et, faisant appel à son expérience des affaires et aux connaissances acquises sur la banque, il proposa un plan de sauvetage que le Parlement s'empressa de rejeter. On doit convenir que les mesures envisagées par le fils de l'orfèvre ne pouvaient plaire aux bourgeois. Il s'agissait, pour reconstituer les finances du pays, de créer un conseil de Commerce qui aurait eu à sa disposition « un fonds composé des terres et des rentes des évêques, de tous les dons charitables, du dixième de tous les grains levés, du vingtième de toutes les sommes perçues en justice, du quarantième de toutes les successions, legs et ventes ». Ces idées étaient assez révolutionnaires pour susciter toute sorte d'oppositions. Déçu, John Law, qui venait d'avoir un fils, né d'une belle veuve londonienne, dont le seul défaut physique, visible de tous, était une tache de vin sur la joue, avait décidé de s'exiler à nouveau et d'aller proposer à d'autres son projet de banque.
    En 1707, il s'était installé à Bruxelles, avec femme et enfant. Il y avait fait des affaires, suivant les événements, lisant tous les journaux, donnant des ordres d'achat ou de vente à ses correspondants étrangers et sélectionnant, par-delà les frontières, le gouvernement qui pourrait le plus facilement accepter son système de banque d'État. Habitué des cercles de jeu, il avait eu l'idée, pour pallier l'inconvénient

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