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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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générosité du banquier qui voulut à plusieurs reprises le faire profiter des bienfaits de la spéculation, par laquelle tant de nobles autour d'eux s'enrichissaient.
    La banque vit le jour en 1716 et, un an plus tard, quand Antoine Crozat renonça à la concession coloniale qui lui avait été accordée en 1712, Law prit le contrôle de la Compagnie d'Occident, qui, souvent nommée Compagnie du Mississippi, devint, par lettres patentes du 17 septembre 1717, le nouveau gérant de la Louisiane. Law, comme on s'en doute, n'avait pas que des supporters. Le duc de Noailles, jaloux de la confiance que le Régent accordait au banquier, conduisait la phalange de ses détracteurs. « Il voulait le perdre pour être pleinement maître de toutes les parties des finances », observe Saint-Simon. La cabale anti-Law fut assez puissante pour influencer le parlement, qui s'assembla, les 11 et 12 août 1718, et rendit un arrêt réduisant sensiblement le rôle de la banque et visant à interdire personnellement le banquier. Le parlement entendait en effet « faire défense à tous étrangers, même naturalisés, de s'immiscer directement ni indirectement, et de participer sous des noms interposés au maniement ou dans l'administration des deniers royaux… ».
    Dix jours plus tard, le parlement ordonna aux gens du roi d'enquêter pour « savoir ce que sont devenus les billets d'État qui ont passé à la Chambre de justice ; ceux qui ont été donnés pour les loteries qui se font tous les mois ; ceux qui ont été donnés pour le Mississippi ou la compagnie d'Occident… ».
    Le duc de La Force, qui souhaitait entrer au conseil de Régence comme il était déjà entré au conseil des Finances, soutenait Law et poussait contre le parlement qui ne pensait qu'à « envoyer un matin quérir Law par des huissiers ». L'Écossais possédait un sauf-conduit mais demeurait inquiet parce qu'il savait fort bien que ce document ne le protégerait pas des décisions du parlement. Law choisit de se retirer dans la chambre de Nancré, au Palais-Royal. Nancré était un ami très sûr qui voyageait alors en Espagne. Law attendit ainsi, à l'abri, l'organisation d'un lit de justice, seul moyen de faire casser les détestables arrêts du parlement. Grâce au Régent, le résultat escompté par le banquier fut obtenu, au grand déplaisir des parlementaires.
    Law put donc reprendre ses activités et Saint-Simon écrit en 1719 : « Law faisait toujours merveille avec son Mississipi. On avait fait comme une langue pour entendre ce manège et pour savoir s'y conduire, que je n'entreprendrai pas d'expliquer, non plus que les autres opérations de finances… C'était à qui aurait du Mississipi. Il s'y faisait presque tout à coup des fortunes immenses. Law, assiégé chez lui de suppliants et de soupirants, voyait forcer sa porte, entrer du jardin par ses fenêtres, tomber dans son cabinet par sa cheminée. On ne parlait que par millions. » Louis-Hector de Villars, duc et maréchal de France, a confirmé dans ses Mémoires cet engouement suscité par la Compagnie du Mississippi : « Toute l'année 1719 se passa en inventions, toujours surprenantes, mais violentes… pour faire des fortunes, ridicules par leur énormité, à plusieurs particuliers, où le plus ruiné, le plus insensé, le plus fripon gagnait cinquante, soixante millions et plus encore ! »

    Une colonie de papier
    Parmi ceux qui s'intéressent moins au développement de la Louisiane qu'aux dividendes attendus d'investissements si bien orientés par un homme qui semble posséder le don du roi Midas, le succès de la Compagnie du Mississippi est immense. Tous ceux qui possèdent quelques louis veulent du papier de la « banque à Law » et des actions du fabuleux Mississippi. Certains vendent des terres, des maisons, des bijoux pour pouvoir participer à la course au trésor.
    Les étrangers de passage à Paris, et même ceux qui, hors des frontières, sont informés de la frénésie du marché de la rue Quincampoix, veulent investir. Les Anglais, si méfiants, si bien informés des manigances financières et coloniales, s'y laissent prendre. Le spectacle de la Bourse en plein air de la rue Quincampoix a été cent fois décrit car il constitue, dans l'histoire de la spéculation, un tableau historique de la cupidité enthousiaste. La plupart des spéculateurs qui se pressent autour des marchands d'actions seraient bien en peine de dire s'ils achètent des droits

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