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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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d’accord ?
    — Ça peut attendre la fin de l’été, répondit-elle avec un sourire forcé. Que
     fait Isabelle ?
    — Elle démêle du linge de bébé pour Gertrude. Oh ! j’oubliais, pendant votre
     promenade, vous avez raté le téléphone d’Yvette. Ne te gêne pas, va la
     rappeler.
    Elle jeta un coup d’œil à son mari. Celui-ci donnait ses ordres à son équipe de
     bûcherons en herbe.
    Elle s’approcha de lui et lui prit le poignet. Surpris queJulianna revienne vers lui, François-Xavier lui lança un regard étonné.
     Relevant le menton, d’un ton doucereux, elle lui dit :
    — Avant de bûcher, tu devrais enlever la montre que je t’ai offerte. C’est un
     cadeau de grande valeur. Faudrait pas la briser. C’est sûr que c’est plus
     fragile que le porte-clés que tu m’as donné... En passant, c’est plate, mais je
     l’ai perdu dans le lac...
    Et elle partit téléphoner à Montréal.

    Dans le logement de la rue Saint-Joseph, à Montréal, un téléphone sonna avec
     insistance. « Vous voyez bien que mademoiselle Rousseau est absente »,
     s’impatienta la locataire du dessus. Elle se trompait. Non seulement Yvette
     était bien présente, mais rien ne l’empêchait de répondre. Immobile devant la
     fenêtre de la cuisine, la jeune femme regardait un enfant lancer une balle sur
     la porte d’un hangar. Sur le mur du corridor, le téléphone continuait de faire
     retentir sa stridente sonnerie. L’appareil noir avait beau s’égosiller, Yvette
     restait sourde à son appel. C’était certainement ses parents qui tentaient de la
     joindre. Isabelle lui avait dit que sa mère serait vraiment désolée d’avoir raté
     son coup de fil, qu’elle se promenait sur la plage... Soulagée par ce
     contretemps, Yvette avait simulé la déception. C’est par obligation, pour
     souhaiter bon anniversaire, qu’elle avait composé le numéro de téléphone du
     chalet d’Henry. D’une oreille distraite, elle avait écouté Isabelle avant de
     prétexter elle ne savait plus quoi, afin de mettre rapidement un terme à la
     communication. La note de tristesse dans la voix d’Isabelle, comme elle lui
     disait au revoir, ne lui avait pas échappé. Après unedernière
     sonnerie, le silence remplit la pièce. Yvette émit un léger soupir de
     soulagement. Répondre aurait été au-dessus de ses forces. Elle n’avait plus le
     courage de simuler la bonne humeur... de mentir encore... pas en ce moment. Non,
     pas en regardant jouer ce petit garçon...
    Qu’arriverait-il si elle lui criait de venir souper ? se retournerait-il pour
     lui sourire ? La supplierait-il de lui accorder cinq minutes de grâce ? Ou
     affamé, laisserait-il tout tomber pour accourir dans ses bras ? L’enfant leva
     les yeux vers elle. Avec de grands gestes, Yvette le salua. Pour toute réponse,
     le garnement lui fit une insolente grimace. Il détestait la folle du logement
     d’en dessous qui l’épiait sans arrêt. Yvette sentit son cœur se serrer. Elle
     porta la main à son cou et prit son médaillon. Elle l’ouvrit et admira la
     photographie d’un jeune garçon. Une terrible quinte de toux la saisit. Lâchant
     le bijou, elle se retint contre le rebord de l’évier. Jean... Jean... Elle avait
     de la difficulté à respirer. Paniquée, elle se fit couler un verre d’eau et le
     but à petites gorgées. La crise s’estompa... Essoufflée, en sueur, des mèches de
     ses cheveux auburn collées sur les tempes, elle se laissa glisser sur le
     carrelage. Ces accès de toux chronique la rendaient sans force. Accroupie, elle
     serra ses bras autour de son corps. Le vide... le vide... Elle tressaillit. Le
     téléphone sonna à nouveau. Si elle répondait, et qu’au lieu de rassurer ses
     parents en affirmant que tout allait bien et qu’elle était heureuse, elle
     avouait tout à sa mère ? Elle n’avait qu’un geste à faire... Elle pourrait tout
     révéler ! Sa liaison avec Paul-André, son agent, sa grossesse, sa vie secrète à
     Paris... Oh oui, quelle délivrance, maman... laisse-moi te raconter... les
     semaines d’incertitude, les espoirs déçus, les rêves brisés... si elle pouvait
     trouver le courage de décrocher ce téléphone et de tout dire. De crier la
     vérité, de pleurer la trahison,d’implorer qu’on écoute ce qui
     s’était vraiment passé... de raconter son malheur, sa honte, ses regrets... De
     raconter ce jour maudit où elle avait quitté Paris,

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