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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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table et un toit
     digne de ce nom à sa famille ! trancha sa mère. Franchement, Pierre, ça fait
     combien de fausses couches que Mélanie fait ?
    — Julianna... intervint François-Xavier devant le manque de
     douceur de sa femme. Allons, c’est pas facile pour personne...
    — Le docteur dit qu’elle aurait quand même perdu ses bébés si on avait vécu
     ailleurs. Il faudrait l’opérer... Mélanie veut pas. C’en serait fini de la
     maternité.
    — Une chance qu’elle refuse ! Tu imagines le risque qu’elle courrait de
     mourir ! s’exclama Julianna. Les docteurs de par ici, c’est à se demander si ça
     a un vrai diplôme.
    — Maman...
    — Tu me feras pas accroire que si elle mangeait à sa faim, pas juste du
     poisson, et que l’hiver, elle gelait pas tout rond dans cette bicoque
     que...
    — Julianna, arrête, l’interrompit son mari, cette fois d’un ton ferme.
    Avec un sourire triste, Julianna murmura :
    — J’ai tellement l’impression de revoir Marguerite...
    Marguerite, la première épouse de Georges, la mère de Jean-Marie. Quand ils
     vivaient sur la Pointe, sa seule véritable amie... elle aussi en a versé des
     larmes à chaque déception.
    — Pierre, reprit-elle avec plus de douceur, ta petite femme est bien
     courageuse. Mais là, tu dois penser un peu plus à elle et à ton fils. C’est sa
     santé qui est en jeu.
    Pierre se prit la tête entre les mains.
    — Vous avez raison, je le sais ben... Ça fait des semaines que je jongle avec
     tout ça. J’ai pas été capable de remettre La Joséphine en état... Je sais
     plus quoi faire...
    — Ben, ta mère pis moi, on peut te donner un peu d’argent, si tu veux réparer
     ton bateau...
    — C’est l’idée de ton père parce que moi je trouve que ça n’a pas d’allure de
     gaspiller un sou noir dans ces cochonneries-là ! objecta
     Julianna. Vivre dans une cabane comme dans le temps des colons ! Reviens sur
     terre ! Nous possédons une télévision, une machine à laver... Jamais, tu
     m’entends, jamais je n’aurais imaginé avoir aussi honte de toi !
    François-Xavier fronça les sourcils de désapprobation et lança un regard à sa
     femme qui signifiait : laisse-moi seul avec notre fils. À son grand soulagement,
     Julianna obtempéra.
    — Je vais me coucher, j’en peux plus...
    — Prenez cette chandelle, maman, dit Pierre en lui tendant un bougeoir.
    Tandis que Julianna montait à l’étage, les deux hommes s’allumèrent une autre
     cigarette.
    — J’espère que Dominique vous dérangera pas, se désola Pierre. On était
     supposés vous laisser notre chambre...
    — On comprend, mon gars. C’est pas le temps de chambarder Mélanie.
    — Vous serez mal, dormir dans une couchette de fortune...
    — On va être bien, le rassura François-Xavier.
    — Mais maman...
    — Arrête de t’en faire pour ta mère. Tu la connais. Si elle s’énerve, c’est
     parce qu’elle est juste ben inquiète. Pis a l’a pas tort de se faire du mauvais
     sang.
    Machinalement, Pierre fit tourner sa cigarette entre ses doigts.
    — Mon garçon, reprit François-Xavier, c’est quoi tes projets ? Je te le répète,
     je peux te donner un peu d’argent.
    — Vous êtes ben fin papa, mais il m’en faudrait ben trop pis ça va rien
     résoudre. La mer pis moi, c’est deux. Oh, j’me débrouille, j’ai appris les
     courants, à travailler avec les marées... Mais d’année en année, j’ai jamais
     réussi à améliorer mon sort, au contraire... Même avec le plus modernedes bateaux, j’ai pas d’avenir comme pêcheur.
    — Si tu vendais tout ?
    — Y a rien à vendre ! Regardez ma maison, quatre murs de vieux bois en train de
     pourrir autant que La Joséphine. J’vous dis papa, j’vaux rien !
    Soudain, Pierre eut un mouvement d’humeur. De la paume de la main, il frappa
     rageusement le dessus de la table.
    François-Xavier n’en fit pas de cas. Il tira sur sa cigarette et expira une
     longue bouffée.
    — Quand j’étais petit, le soir, commença-t-il, ton grand-père Rousseau me
     croyait endormi en haut. Mais moi, je l’espionnais par la trappe du plancher.
     J’aimais le regarder se bercer. Ça me rassurait de le voir. C’était dans le
     temps que ma mère adoptive avait été enfermée à l’hôpital psychiatrique...
    — Grand-maman était folle ? Je savais juste qu’elle était morte quand t’étais
     tout jeune.
    — Toutes les familles ont leurs petits

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