Au pied de l'oubli
quêteux avec toi. Depuis des mois, des années que je
tourne autour de toi, que j’attends juste un mot... une caresse... Je suis plus
capable. Moi qui suis un homme doux de nature, je me surprends à avoir envie de
tout casser. Julianna, je suis vraiment plus capable... tu dois te
décider.
— Tu ne veux pas que je quitte mon mari ? Ce serait une folie ! Ça ne se fait
pas !
— Non, je n’ai pas été assez chanceux pour te gagner en
premier... ça fait que je te demande de m’offrir un prix de consolation...
Sinon, ce sont tes dernières chroniques et tu n’as pas besoin de revenir au
journal à la fin de l’été.
— Yves !
— Je t’aime, moi, Julianna. Je peux accepter bien des choses. Je peux fermer
les yeux sur les images de toi pis de ton mari couchés côte à côte... Je n’y
peux rien. À condition que je puisse te tenir dans mes bras à la cachette, une
fois de temps en temps... je ne peux plus continuer sans savoir ce que tu
ressens pour moi. Tu appartiens peut-être à ton mari, mais moi, je veux avoir
ton cœur. Ce que je ne supporte plus, c’est de penser que tu l’aimes... plus que
moi.
— Yves !
— Réponds-moi, Julianna. Qui tu aimes, moi ou lui ? Réponds ! Es-tu amoureuse
de ton mari ? L’aimes-tu encore ?
Mise au pied du mur, Julianna n’avait su quoi répondre.
Déçu par son silence, Yves s’était éloigné d’elle. Le regard fermé, il lui
avait ordonné de partir.
— Va-t’en Julianna. Ce ne sont pas les conventions ni les qu’en-dira-t-on qui
nous séparent... Tu as raison, la petite réceptionniste appréciera peut-être mes
avances, elle...
Les larmes aux yeux, Julianna avait voulu quitter la pièce. Son patron l’avait
retenue. Avec passion, il l’avait enlacée.
— Excuse-moi, Julianna... Je ne sais plus ce que je dis... Au moins, réfléchis
à ce que je te demande, viens en Floride avec moi. Demain, tu me
répondras.
— Demain, c’est dimanche et...
— Demain, je te verrai et tu me diras ta décision.
François-Xavier, s’abstenant de pyjama, qu’il détestait porter,
se glissa sous les couvertures en caleçon et en camisole. Tout en écoutant les
bruits provenant de la salle de bain, il réfléchit. Qu’était devenu son
mariage ? Il ne comprenait pas Julianna. Elle n’avait eu de cesse de répéter
qu’elle ne voulait pas de grande fête pour souligner l’occasion. Avec Julianna,
tout était si compliqué. Elle se montrait impatiente envers lui, le critiquait à
tout moment et se comportait en vraie mégère. Quant à leur intimité... La
semaine dernière, à leur retour du chalet d’Henry, ils avaient fait l’amour
après plus de deux mois d’abstinence. Sur le bord du lac, ils avaient bu à la
santé de la victoire de l’avocat qui avait été élu. Après avoir veillé au feu,
Julianna lui avait pris la main en regardant les étoiles... Il avait voulu lui
plaire en acceptant de partir pour la Gaspésie. Ils se promettaient un voyage
d’amoureux, de se retrouver comme aux premiers jours. Cette nuit-là,
François-Xavier avait cru que tout s’arrangerait. Le lundi suivant, en revenant
du travail avec une réponse négative de la part de son patron quant à un
éventuel congé, ils s’étaient, encore une fois, vivement disputés. Julianna
avait repris ses traits durs. Tout avait recommencé : la froideur, les
critiques, la mésentente... Julianna regagna la chambre, prête à se mettre au
lit. Soudain, elle remarqua le manque d’air dans la pièce.
— Tu as fermé la fenêtre ! dit-elle d’un ton cassant. Il fait bien trop chaud,
voyons ! Va l’ouvrir ! ordonna-t-elle en entrant sous les draps.
Avec un soupir, François-Xavier se releva.
— Tu le sais que j’aime dormir avec le vent, lui reprocha sa femme quand il
revint se coucher.
Après un instant, le regard fixé au plafond, il murmura :
— Demain soir, si tu veux, on peut aller manger au petit restaurant du
coin.
— Demain, c’est trop tard...
Après une heure de vaines tentatives à trouver le sommeil, Julianna se leva et
alla à la fenêtre. Son mari avait eu plus de succès qu’elle et ronflait tout
doucement. Cela la vexa qu’il puisse réussir à faire abstraction de leur dispute
et s’endormir aussi rapidement. En même temps, elle avait besoin de réfléchir.
La rencontre avec Yves la tourmentait. Julianna s’était
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