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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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rien.
     Il me semble qu’une femme a le droit de s’attendre à quelque chose d’un peu
     spécial à son trente-cinquième anniversaire de mariage.
    — Julianna... je...
    — Je sais pas à quoi j’ai pensé ! Peut-être une surprise.
    — J’ai passé la journée à travailler, Julianna.
    — Tu as une heure de dîner, non ?
    — Julianna, je suis fatigué. Je veux dormir.
    — C’est trop facile ! éclata Julianna en se redressant.
    Les larmes aux yeux, elle ajouta :
    — Je demandais pas la lune ! Juste une carte, une fleur, quelque
     chose, quoi !
    Furieuse, elle se leva, alla à sa commode et fouilla dans le premier tiroir.
     Elle en ressortit une petite boîte et la lança sur le lit.
    — Tiens, moi la niaiseuse, je t’en ai fait un, cadeau !
    Consterné, François-Xavier attrapa le présent.
    — Mais...
    — Bonne nuit !
    Julianna éteignit la lampe de chevet et, le dos tourné à son mari, se mura dans
     le silence, sachant très bien que la colère la tiendrait certainement éveillée
     jusqu’à l’aube. François-Xavier soupira. Peu importe tous ses efforts, il ne
     réussissait jamais à rendre sa femme heureuse. Julianna se trompait. Il pensa au
     porte-clés et hésita. Il ferma les yeux. Ce soir, il n’avait plus envie de lui
     offrir quoi que ce soit.

    Avec un grand sourire, son fils calé sur ses genoux, Henry leva son verre en
     l’honneur des deux fêtés.
    — À Julianna et François-Xavier, le couple le plus heureux du monde
     entier !
    Julianna envoya à son mari un regard mauvais. Isabelle s’en rendit compte et
     retint un soupir. Dès le début, elle n’avait pas été emballée par cette idée de
     fête-surprise. Si Henry n’avait pas tant insisté ! Il désirait souligner
     l’évènement. Il voulait recevoir au chalet, de façon informelle et cependant
     spéciale. C’est pourquoi il avait décidé d’apporter la table à l’extérieur et de
     dîner en plein air, face au lac. Isabelle devait donner raison sur ce point à
     son mari. Cela donnait un air champêtre et original à la fête. Alors, encachette, Isabelle avait tout préparé. Aidée d’Hélène, qui
     habitait désormais avec eux à titre de fille engagée, elle avait essayé de
     penser à tout pour faire de cette occasion une belle réussite. Un bon repas, à
     boire, quelques décorations, un gâteau trois étages, un soleil splendide, tout
     aurait dû être parfait, pourtant rien n’allait. Julianna et François-Xavier se
     tenaient le plus loin possible l’un de l’autre. Georges et sa femme Henriette
     gardaient une attitude réservée. Quant à Yves Boivin, Isabelle commençait à
     regretter qu’il ait accepté de se joindre au groupe. Au moins, le curé Duchaine,
     qui était revenu travailler dans la région, ne cachait pas sa joie d’être de la
     partie :
    — Oui, à François-Xavier et Julianna, des amis de longue date ! proclama le
     religieux en levant son verre.
    Henry reprit :
    — Je profite de l’occasion pour vous remercier d’avoir accepté notre
     invitation. Et surtout de ne pas avoir vendu la mèche !
    — Pis ç’a pas été facile de garder le secret ! dit Isabelle en souriant, avant
     d’ajouter : Donne-moi le petit, Henry, tu vas pouvoir manger tranquille.
    Henry refusa. Isabelle n’en fit pas de cas. Elle était habituée au traitement
     royal que son mari réservait à leur fils. À la place, elle tendit un verre de
     limonade à l’enfant.
    — Attention de pas en renverser sur papa, mon grand ! l’avertit-elle gentiment.
     Pis après, c’est l’heure du dodo de l’après-midi.
    Henry aimait ses deux filles aînées. Son dernier-né, il l’adorait. Le prince de
     la famille Vissers ! Isabelle jeta un coup d’œil à sa progéniture féminine. En
     maillot, elles creusaient dans le sable sur la plage, laissant les adultes
     tranquilles pendant leur repas, comme leur mère l’avait ordonné.
    — Interdiction d’aller dans l’eau ! leur rappela Isabelle.
    — Oui maman, répondit la plus vieille. On fait un gros gâteau de mariage pour
     matante Juju, ajouta-t-elle.
    — Elle va être contente, matante, surenchérit la sœur cadette.
    « Bonne chance pour réussir à rendre le sourire à Julianna », pensa Isabelle,
     un peu découragée.
    — Alors, monsieur le curé, content de votre nouvelle affectation ?
    — Je suis très heureux, répondit le religieux. Arvida est une ville agréable et
     cela me

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