Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
veut dire « loup ».
    — Encore mieux.
    Hélène perdit patience.
    — Il a été baptisé, il est catholique comme nous autres, son nom est Simon,
     Simon Siméon.
    — Te marier avec un… Indien… te rends-tu compte que ça veut dire que tu vas en
     devenir une, toi aussi ?
    — Oui, à mon grand bonheur. Allez-vous m’aider ? Allez-vous venir avec moi
     parler à papa ?
    En soupirant, Julianna se laissa tomber aux côtés de sa nièce.
    — Dire que ton père s’en sortait et venait de retrouver son bon sens. Il va le
     reperdre c’est comme rien…

    Conduisant prudemment, Georges quitta la ville d’Arvida pour s’en retourner
     chez lui. Il venait d’assister à une de ses réunions des Alcooliques Anonymes.
     Personne de sa famille n’avait vent de cette démarche qu’il effectuait depuis
     environ deux ans maintenant. C’est à l’Alcan, dans la salle des employés, qu’il
     avait découvert l’existence de ce nouveau regroupement. Accroché au babillard, à
     moitié caché sousd’autres notes, un papier annonçait les
     rencontres de l’organisme. Intrigué, Georges l’avait parcouru attentivement. Il
     désirait tellement ne plus toucher à l’alcool. Pour épouser Henriette, il avait
     promis de ne plus jamais boire une goutte. Cela avait été au-dessus de ses
     forces. Après une longue période d’abstinence, il avait replongé dans son vice.
     C’était la première année de son mariage. La date anniversaire de l’incendie
     meurtrier approchait. Georges n’avait jamais réussi à passer à travers cette
     journée en étant sobre. En plus, 1958 sonnait les vingt ans de ce jour funeste
     de janvier. Il avait avisé Henriette de ne pas s’inquiéter, qu’il faisait un
     pèlerinage. Georges avait pris sa voiture et avait roulé en direction de
     Saint-Ambroise. Ce n’était pas pour se recueillir sur la tombe de Rolande et de
     ses enfants. Il avait loué une chambre pour la nuit à l’hôtel du village. Pour
     tout bagage, il avait emporté l’essentiel : deux quarante onces de gin. Il avait
     apposé l’écriteau Ne pas déranger, avait fermé les rideaux, s’était
     déshabillé, ne gardant que son caleçon, et s’était assis sur le bord du lit. Les
     yeux dans le vide, il avait ouvert la première bouteille, s’était versé un verre
     et avait bu… bu… bu… jusqu’à ce qu’il roule de côté sur le lit, inconscient. Il
     n’avait été de retour à Jonquière que deux jours plus tard. Malgré l’état
     lamentable de son mari et la terrible inquiétude qui l’avait rongée, Henriette
     n’avait osé le questionner. Elle l’avait aidé à s’étendre et lui avait préparé
     un bouillon. Le teint verdâtre, plus rien à vomir, le foie dur comme une roche,
     Georges savait qu’il venait de frôler la mort. Il était passé à un cheveu de ne
     jamais se réveiller dans cette chambre d’hôtel. Comment avait-il réussi à
     reprendre le volant et à revenir chez lui ? Il avait conduit dans un état
     second. Il avait manqué plusieurs jours de travail. Les mois d’après, les
     bouteilles de rince-bouche à la menthe devinrentses meilleures
     alliées dans sa quête de dissimulation. Il parvint assez bien à se contrôler. De
     nouveau, décembre s’était pointé, annonçant que janvier suivrait inexorablement.
     Georges appréhendait son incapacité à faire face à la date commémorative de
     l’incendie. Avec ce papier des Alcooliques Anonymes, Dieu, par la main de
     l’auteur de cette note, un ouvrier de l’usine nommé Gagnon, avait répondu à ses
     prières. Georges avait fini son lunch et fumait sa cigarette, tranquille dans
     son coin. À son habitude, il ne se mêlait pas aux autres. Gagnon était venu lui
     quêter de quoi fumer.
    — C’est pas drôle, hein ? avait-il ajouté en s’allumant. Un père de famille
     comme lui, perdre sa job à cause de la maudite boisson… pis juste avant
     Noël…
    — De quoi tu parles, Gagnon ?
    — De Ouellette ! Ils l’ont sacré à la porte à midi. Y était déjà ben
     rond.
    — C’était ça, le boucan, tantôt.
    — Y était pas content, pour sûr. Il voulait tout casser.
    — Les boss ont ben fait. C’est dangereux, un gars en boisson sur
     l’ouvrage.
    À travers la fumée qu’il exhalait, Gagnon semblait étudier Georges.
    — Moi, avait-il repris, j’ai pas honte de le dire, ça fait dix mois que je bois
     plus. Plus une goutte.
    Georges avait serré les

Weitere Kostenlose Bücher