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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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avait pas été si vite à lui lancer de l’eau... Bravo mon gars,
     bravo ! le félicita Pierre.
    — Assis-toi, Jeanne-Ida, pense à ton état, lui recommanda son mari en lui
     tendant une chaise.
    — J’m’en veux tellement... se culpabilisa Mélanie.
    — Arrête ! Si j’étais pas tombée...
    Ils parlaient tout bas, jetant des regards angoissés vers le médecin qui avait
     découpé les vêtements de Bernard et traitait les brûlures de celui-ci. Docile à
     se faire soigner, l’enfant n’émettait à présent que de petits hoquets de
     larmes.
    — Ça devrait bien guérir pis même pas laisser de traces. C’est superficiel, dit
     le docteur en revenant vers la cuisine. Une simple garde-malade aurait pu le
     faire.
    Jeanne-Ida ne prit pas la peine de relever. Elle alla plutôt retrouver son
     fils.
    — Il est pas trop brûlé ? voulut s’assurer Jean-Marie.
    — Je viens de vous le dire. J’me suis dérangé pour rien. Pas de saleté,
     lavez-le bien et y aura pas de problème, c’est pas compliqué, non !
    — René ! s’indigna Mélanie devant l’attitude irrespectueuse de l’homme.
    — Je vais quand même revenir le voir cette semaine,
     ajouta-t-il, semblant soudain un peu honteux de sa conduite. Il va peut-être
     faire une bonne cloque. Crevez-la pas. Pour mes frais, rien qu’à passer à mon
     bureau.
    — Demain sans faute, lui promit Jean-Marie en le raccompagnant.
    Avant de sortir de la maison, le docteur Poissan hésita.
    — Au revoir, Mélanie, murmura-t-il.
    — Dis-moi pas que ça t’a fait plaisir de me revoir, parce que c’est vraiment
     pas réciproque, lui rétorqua-t-elle.
    Insulté, il tourna les talons. Mélanie referma bruyamment la porte derrière
     lui.
    Pierre gloussa :
    — Tu lui as pas envoyé dire ! J’te connaissais pas de même !
    — À force de vivre avec ta mère, faut croire qu’a déteint sur moi.
    Du salon, Jeanne-Ida interpella son mari :
    — Jean-Marie, il va falloir monter à l’hôpital de Dolbeau.
    — Quoi ? s’alarma celui-ci. Mais le docteur a dit que Bernard...
    — Pas pour ce fils-là...
    Pauvre Jean-Marie... L’incompréhension sur son visage en était presque
     émouvante.
    — Pour l’autre qui a décidé de venir au monde...

    — Ma pauvre Hélène, pis j’ai rien vu venir...
    Pour la dixième fois, Julianna secoua la tête de découragement. Elle avait
     demandé à Isabelle de les laisser seules. Elle désirait parler « dans le blanc
     des yeux » à sa nièce.Compréhensive, son amie lui avait proposé
     qu’elles s’isolent dans une des chambres.
    — Matante, je l’aime ! s’écria Hélène, debout au pied du lit sur lequel
     Julianna s’était assise.
    — Mon Dieu qu’on entend ça souvent.
    — Et il m’aime aussi !
    — Tu es si jeune ! lui dit Julianna.
    — Pas pantoute, j’ai vingt-trois ans ! Je suis plus qu’en âge de me
     marier.
    — C’est vrai, mais... pas avec lui...
    — Pas vous, matante Julianna ! Je vous ai toujours admirée. Vous parlez de
     l’égalité pour tout le monde, pour les femmes. Vous défendez les injustices ! Je
     pensais que vous seriez contente pour moi !
    — Hélène, je... je comprends... Es-tu vraiment certaine de tes
     sentiments ?
    — J’en couperais ma main.
    — Tu ne réalises pas la misère... les difficultés... Ton père ne voudra
     jamais ! ajouta Julianna en se levant d’un bond.
    Sans s’en rendre compte, les femmes échangèrent leur position.
    — Je m’en doute ben, murmura Hélène en se laissant choir sur le bord du
     lit.
    La jeune fille se triturait les mains de nervosité.
    — Pis si c’était vous, matante, qui lui en parliez ?
    — Hélène, tu vas me dire la vérité. Y a-t-il une raison... urgente... pour que
     tu te maries ?
    Hélène baissa la tête et cacha sa gêne.
    — Non, matante, balbutia-t-elle.
    — Es-tu bien certaine que tu ne me contes pas de mensonges ? Vous n’êtes pas
     allés trop loin ?
    Hélène détestait mentir. Pourtant, elle le fit avec aplomb.
    — Je veux attendre mon mariage.
    Un peu rassurée, mais à peine, Julianna se mit à faire les cent pas devant sa
     nièce.
    — Ça n’a aucun bon sens… se répéta Julianna. C’est une passade, une accroire…
     On va te présenter des vrais garçons pis…
    — Matante ! s’indigna Hélène. Comment pouvez-vous parler comme ça de
     Chapeau ?
    — Tu vois, il n’a pas de vrai nom !
    — Maikan… ça

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