Avec Eux...
toujours le même. Les stars sont des stars partout, même en prison ! Talia est plus humble, elle est consciente de lâimportance de cette visite et ne cesse de nous remercier pour ce que nous allons faire, tandis quâelle griffonne un petit mot avec un cÅur sur un morceau de papier destiné au père de son enfant. Elle me donne des couches, des biberons et du lait tout en déposant, craintive, sa fille dans mes bras. Sans aucun doute elle est très fière que Samia voyage avec nous, mais on lui enlève son seul trésor !
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Depuis quâelle a quitté les bras de sa mère, lâenfant ne cesse de pleurer et de crier. Mais miracle, une dizaine de kilomètres de ronronnement de moteur ont raison de ses cris tandis que je la câline doucement. La route est douce⦠La petite fille des prisons dort, comme tous les bébés du monde. Le silence, depuis sa naissance, elle ne le connaît pas. Monica Gicquel a décrit cela de façon tellement juste. Dans les parloirs, les portes claquent avec une violence infernale.Monica se sentait violée par ce bruit et posait toujours ses mains sur les oreilles des bébés, pour les protéger. Pourtant, elle remarquait que cela ne leur faisait rien, tant ils étaient habitués à ce vacarme. Elle a également des souvenirs violents dâenfants déshabillés, de biberons vidés, de couches éventrées, en pensant quâil pouvait y avoir de la drogue caché dedans⦠Les gardiens la testaientâ¦
Nous arrivons enfin au centre de détention de Val-de-Reuil, cette prison dite « modèle ». Lâétablissement est en effet incroyablement propre, si on le compare à celui des femmes de Fleury-Mérogis. Câest un immeuble qui extérieurement nâa rien dâune prison. à lâentrée, en revanche, même scénario quâà Fleury-Mérogis : détecteur, fouille, badges⦠On ne rentre pas « librement » en prison comme ça, star des médias ou pas. Il faut être « accrédité », comme au Festival de Cannes. Lâaccueil des gardiens est cependant chaleureux : « Monsieur Drucker, câest formidable ce que vous faites, on ne rate jamais vos émissionsâ¦Â » Michel nâest pas là pour cela, mais fidèle à lui-même, il reste toujours très gentil, parle à tous les gardiens tandis quâon nous accompagne dans un immense hall vide. Normalement les familles ne peuvent parler aux prisonniers que derrière une grille ou une vitre, mais dans notre cas précis nous avons droit aux parloirs avocats qui durent le double de temps, et dans lesquels les parents peuvent prendre leur enfant sur les genoux, et les toucher.
Portes fermées, nous restons seuls un moment et je sens la claustrophobie me gagner de nouveau. Je suis de plus en plus tendue, avec Samia toujours dans mes bras. Le père nâa encore jamais vu sa petite fille, et jâignore comment il va réagir. Je ressens étrangement en moi ces battements de cÅur particuliers qui doivent être ceux dâun médecin lorsquâil présente pour la première fois un bébé à ses parents, après un accouchement difficile. Très ébranlée par ce rendez-vous pas comme les autres, jâentends un bruit de pas venir du fond du long couloir, mêlé au bruit des sempiternelles portes qui claquent. Lorsque la nôtre sâouvre, Michel et moi découvrons un homme très beau, en survêtement bleu et baskets. Il arrive tête baissée, les mains comme entravées dans le dos, comme sâil était menotté, alors que ce nâest pas le cas. Lâhabitude, sans doute. Comme Talia, il vient directement vers nous et regarde dâabord Michel qui lui tend la main. Je reste un peu en retrait avec le bébé, puis je mâavance vers lui très émue : « Câest votre fille ! » Je ne sais pas quoi dire dâautre, alors je la lui présente. Je vois bien quâil nâose pas tendre les bras, il a peur de ne pas savoir comment sây prendre. Je lui explique comment faire. Samia se met alors à hurler et se débat ; comme elle change de bras, elle est perdue.
Assis sur lâunique chaise de la pièce, le père tient son enfant avec une maladresse touchante, et un mélange de sourire esquissé sur ses
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