Avec Eux...
moment-là , je deviens folle, tous ceux qui comme moi ont connu ce parcours du combattant des adoptants me comprendront aisément. Cela fait tellement de temps que jâattends cet enfant, tellement de temps quâil y a cette jeune fille là -bas⦠Je me dis que ce nâest pas possible, je passe par des moments de colère, dâautres de découragement, et puis je décide dâagir, et de profiter de mes réseaux et de ma position.
Je demande donc un rendez-vous à Alain Juppé qui mâaimait beaucoup et qui mâa même consacré quelques passages dansson livre La Tentation de Venise , où il dit que je suis « une fille exceptionnelle qui lui parle de communication comme on ne lui a jamais parlé de communicationâ¦Â ».
« Je vous en supplie, Alain, je suis dans une démarche dâadoption très compliquée, il faut absolument quâil y ait le tampon du Premier ministre, parce que les adoptions passent en Conseil des ministres au Cambodge. Donc il me FAUT ce tampon ! »
Une adoption au Cambodge passe par tous les ministères, même celui de lâagriculture. Sur le formulaire dâadoption, il y a vingt tampons, et au final le tampon du Premier ministre. Câest rassurant, et en même temps câest insensé ! Jâexplique à Alain Juppé ma situation et lui demande dâintervenir : « Ce nâest quâun enfant, pris dans lâétau dâun problème tellement plus graveâ¦Â »
Il a fait quelque chose pour moi que je nâoublierai jamais. Je lui dois mon enfant. Je lui dois mon enfant à double titre, parce quâil a su débloquer la situation, mais aussi parce quâil lui a sauvé la vie en lui permettant dâarriver à temps en France pour que les soins nécessaires à sa survie lui soient donnés. Il a décroché immédiatement son téléphone et demandé à lâambassadeur de France dâintercéder auprès des services du Premier ministre khmer, pour que ce satané tampon soit mis au plus vite sur mon dossier. Au vu de la situation en cours là -bas, ce nâétait rien, mais à la fin, câétait tout pour moi. Il y a eu ce tampon magique, donc on a pu établir un passeport, organiser un départ, et lâenfant a pu me rejoindre à Paris.
Il sâappelle Sorey, qui veut dire « Victoire ». Sorey Gabriel. Câest un garçon. Quelques années plus tard, jâai également pu adopter une petite fille, Jada. Sorey a seize ans maintenant. Quand il est arrivé en France, il avait huit mois. Câétait unenfant avec des problèmes, à peu près tous ceux quâon peut redouter : des problèmes de motricité sur une des jambes, il ne parlait pas, il nâémettait que des cris dâanimaux, il se traînait par terre tout le temps, on ne pouvait pas le poser sur quelque chose de mou⦠Jâavais préparé une chambre avec quantité de peluches, comme on fait pour un enfant qui va arriver, mais pour lui câétaient de vrais animaux, il hurlait à la mort quand il les voyait ! Jâai enlevé toutes les peluches et je lâai laissé coucher par terre. Puis je lui ai mis une paillasse dure, pour lâhabituer progressivement à ce confort élémentaire que le manque de soins et un départ tragique dans la vie lâavaient empêché dâapprivoiser. Jâai commencé un LONG parcours de soins avec une célèbre pédiatre, Edwige Antier. Câest elle qui a soigné mon fils sur tous les plans. Câétait sa pédiatre et elle lâa sauvé. Il poussait des cris dâanimaux, il lui a fallu de lâorthophonie, il a fallu lui apprendre les mots, il a fallu soigner sa peau, il avait un eczéma permanent (la « peau de serpent »), et sa jambe droite était tout le temps recourbée. Il a fallu la redresser avec une petite attelle pendant de longs mois. Cet enfant, si vous le voyiez aujourdâhui, il est sublime, il est beau, il est intelligent, il est brillant, et il nâa plus aucun problème de santé. Mais il a quand même passé trois ans de soins non pas intensifs mais permanents, sous diverses formes. Je lâai mis dans une école internationale pour quâil entende des sons variés. Le son humain était quelque chose qui lui faisait
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