Avec Eux...
qui vous apportent un peu de chaleur humaine. Nous sommes dans le petit salon pour enfants de la prison. Dans la journée, les mamans incarcérées peuvent sây retrouver comme dans une crèche et y laisser les petits jouer ensemble. Câest le seul cocon un peu humain de la prison.
On nous fait signe de partir, alors nous regardons Samia regagner sa cellule avec son enfant. Une chambre avec un lit de bébé, mais câest une chambre à barreaux, un plafond sans lumière. Pas de ciel, pas de soleil, et pas de ce parfum si spécifique des chambres de bébés.
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Je comprends, impuissante, ce que signifie le mot « enfermement ». Je pense à Monica Gicquel, qui dit que, même si lâenvironnement est difficile à supporter, ce nâest que du bonheur de voir que, grâce à nous, des enfants ont enfin le droit de rencontrer leurs parents. Le mot « relais » est parfaitement trouvé. Monica a vécu, elle aussi, de nombreux moments de vie en prison qui lâont prise aux tripes. Par exemple, lorsquâelle a accompagné un enfant de deux ans dont le père avait tué la mère et qui vivait chez ses grands-parents maternels. Le petit ne se rendait pas compte de tout à lâépoque, mais il savait très bien quâil se passait quelque chose. Au parloir il a demandé à son père : « Pourquoi tu as tué maman ? »
Autre anecdote, plus légère : Monica a emmené un bébé voir son père, mais il nâarrêtait pas de pleurer tandis que celui-ci le câlinait. De retour à la prison des femmes, elle sâest aperçue de lâerreur : deux fiches sâétaient collées lâune contre lâautre, et lâhomme en question nâétait pas du tout le père de lâenfant ! Il nâavait rien dit, trop heureux de pouvoir égayer sa journée par une visite au parloir. Quand elle est retournée avec le bébé à la rencontre du véritable père, la petite fille sâest collée contre lui et sâest endormie immédiatement, comme si elle lâavait reconnu.
Il se passe des histoires incroyables dans cet enfermement forcé. Un « voyage en prison » est une aventure qui ne ressemble à aucune autre. On nâoublie jamais.
Nous avons reparlé longuement de cette journée avec Michel, et surtout nous nous sommes dit quâun jour nous ferions autre chose pour les prisons, à notre manière. Un concert ? Johnny Hallyday était dâaccord. Un jour ou lâautre, jâespère que nous y arriverons.
En attendant nous avons fait un petit pas avec Samia, Talia et Samir. Je suis persuadée que câest avec ces petits gestes-là , ces signes, ces liens créés avec douceur que le tissu carcéral peut sâhumaniser. Par la suite, je suis retournée dans les prisons. Cela me bouleversait toujours autant, mais il me fallait absolument, comme à chaque fois, retraverser le miroir. Mon miroir, mes miroirs de vie. Après la prison, je rentrais à Paris pour tourner mes émissions de télévision. Le lendemain jâavais un comité exécutif avec Patrick Le Lay, le président de TF1 de lâépoque. à lâordre du jour : les parts de marché, les audiences, la stratégie de la chaîne. Lâagenda nâavait plus rien à voir avec la veille. « Allô, à dix-sept heures, réunion avec Gérard Louvin, nouvelle émission à lancerâ¦Â » Autre monde⦠Mon monde supposé. Jâentendais encore le bruit des clefs dans les serrures, je voyais encore les larmes couler sur les joues. La porte sâétait pourtant refermée. Mais jâavais pénétré dans une prison pour la première fois de ma vie, et je nâen ressortirai plus jamais dans ma têteâ¦
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Michel Drucker nâa jamais renié son lien avec les prisons. Aujourdâhui encore, il se rend régulièrement dans des centres de jeunes délinquants. Jâai appris également par Monica Gicquel que lâassociation Relais Parents-Enfants existe toujours. Elle est installée à Montrouge et a désormais élargi son champ dâaction à la France entière, à travers des antennes locales où des personnes anonymes font preuve du plus essentiel dévouement. Au quotidien.
21. Les orphelins
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