Avec Eux...
à coups de torchon ! On a pris les plats, on est allés les porter sur le trottoir dâen face, où les jeunes les ont dévorésâ¦
Ce nâest certes quâune anecdote, mais elle nâest pas anodine ; câest une manière de vivre, câest une manière de penser.
20. Avec Michel Drucker
 et les bébés des prisons
Jeudi 12 novembre. Dix-sept heures. Prison de Fleury-Mérogis, avec Michel Drucker. Des clefs⦠des clefs encore⦠Partout des claquements de serrures en écho. Tout autour de moi, on « enferme ». Je suis assaillie par un vacarme incessant, un bruit comme on en entend nulle part ailleurs. Nous passons par le détecteur de métaux, puis on nous remet des badges blancs. Dâautres sont verts ou roses : verts pour les médecins, roses pour les avocats. Nous franchissons un premier sas, puis un second, un troisième⦠Je prends subitement conscience du fait que moi aussi je suis en prison. Les portes se referment sur nous, avec ce fracas métallique sans pitié. Tout gémit ici, même les murs. Différents sentiments se mêlent en moi, de la panique à la claustrophobie, mais je ne dois pas perdre de vue la raison pour laquelle je suis là  : je dois aller jusquâau bout dâune mission particulière. Jâaccompagne Michel Druckerâ¦
Câest fou ce que ça dure longtemps de traverser un couloir « en prison ». Le parcourir en apnée, au milieu de ces odeurs dâurine, de sueur, de lait caillé⦠Je ressens lâirrépressible besoin de me respirer moi-même, de sentir mon propre parfum, le nez enfoui dans mon écharpe. Mon odeur merassure, elle me protège. De je ne sais quoi. Comme un sentiment de pouvoir être soudain dévitalisée. On avance néanmoins dâun pas décidé. Ne pas craquer, garder la tête froide à tout instant. Je porte un pantalon et un blazer noirs avec une chemise blanche. Au fait, comment doit-on sâhabiller pour aller en prison ? Câest une question que je ne mâétais jamais posée. à mes côtés, Michel Drucker est en jean, baskets et polo, il semble impassible. Il fait froid. Câest lâautomne. Mais en prison, câest quoi une saison ?
Je suis directrice artistique en charge des variétés à TF1. Notre univers à Michel et moi oscille entre les plateaux, les artistes et les paillettes. Un monde réputé « de rêve », vu de lâextérieur. Nous parlons rarement de choses essentielles dans ce monde-là . Mais Michel est un homme particulier, profond, grave, et surtout câest un grand journaliste. Quant à moi, je suis, contrairement à ce que lâon a pu imaginer, tout sauf quelquâun de léger. Jâai vécu avec un ministre pendant douze ans, dormi dans les palais de la République et toutes les ambassades du monde, circulé en voiture avec chauffeur et gardes du corps, mais ma réalité est tout autre : les lumières des projecteurs ne mâont jamais fascinée. Câest à sept ans, quand jâétais petite fille, que je rêvais de ce monde, mais les médias ne mâont vraiment intéressée que lorsque jâai pris conscience quâils étaient les indispensables instruments de diffusion des messages les plus importantsâ¦
Du plus loin que je me souvienne, jâai toujours été habitée par les souffrances et les injustices de notre petit monde. Je ne peux pas supporter le malheur à côté de moi. Ma maman, qui sâimpliquait beaucoup dans les Åuvres sociales de la ville de mon enfance, mâa transmis lâidée de partage par le cordon ombilical ! Je me suis toujours sentie dans le devoir du regard à lâautre. Plus tard, il mâarrivera souvent dâhébergerdes SDF lâespace dâune nuit ou de mâimpliquer dans un grand nombre dâÅuvres humanitaires. Jâai dâailleurs financé avec ma tirelire personnelle une partie dâun centre de nutrition à Phnom Penh, après lâadoption de mon fils ; je devais au moins cela au Cambodge.
Dans ce contexte de stars, de loges où lâon chante, court, se maquille, sâexcite pour rien au milieu dâéclats de rire, Michel Drucker me confie un jour, juste avant dâentrer sur un plateau : « Tu sais, Dominique,
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