Avec Eux...
il faut que je te parle de quelque chose qui me touche profondément, et que nous pourrions faire ensemble. » Et tandis quâon lâattend sur le plateau, il prend le temps de me décrire lâaction de Relais Parents-Enfants, une association permettant aux bébés nés en prison de rencontrer leurs pères également incarcérés. Avec lui je découvre combien il est fréquent pour des femmes dâaccoucher en prison de nouveau-nés qui ne voient jamais leur père, parce quâils sont en prison eux-mêmes. Surprenante, cette conversation dans un contexte de « Moteur dans trois minutes » ! Je suis perturbée, mais immédiatement habitée par cette proposition.
à lâépoque, Michel était déjà visiteur de prison. Ce fils de médecin a toujours été, lui aussi, inexorablement touché par la souffrance humaine, sous toutes ses formes. Il nâa donc pas hésité à répondre présent lorsquâil a été sollicité par Marie-France Bianco, la présidente de lâassociation Relais Parents-Enfants. Très régulièrement il rendait visite aux prisonnières et les aidait à organiser la première rencontre de leur bébé avec leur père. Il se trouve que, à la lumière de cette demande de Michel, jâappris également que Monica Gicquel (lâépouse de Roger Gicquel) sâimpliquait beaucoup dans cette association. Elle explique très précisément les raisons de son engagement qui va devenir le nôtre :
« Un de mes amis a eu des problèmes de drogue. Quand je suis allée le voir pour la première fois en prison, jâai pensé : âQuelle horreur cet enfermement. Que deviennent ses enfants ?â Comme je savais que Michel était visiteur de prison, je lui en ai parlé. Les enfants nâont pas le droit de voir leurs parents incarcérés tant quâils ne sont pas majeurs, sâil nây a pas un adulte pour les accompagner. Michel mâa alors parlé dâune association qui venait de se créer pour les aider à rétablir ce lien affectif. Ce qui mâinterpellait, câétait cette idée que les enfants étaient eux-mêmes prisonniers de leur histoire, privés de leurs parents malgré eux. Ils ont besoin de leur famille pour pouvoir se construire, je voulais leur dire : âSi ton papa et ta maman ont fait une bêtise, cela nâa rien à voir avec toi, ils tâaiment.â Le côté âmaman est en voyageâ, je trouvais cela épouvantable. Paradoxalement, jâavais lâimpression de pouvoir leur donner une certaine forme de liberté en les emmenant en prison : celle dâaimer leurs parents et de pouvoir choisir. Jâai ainsi accompagné pendant plus de quinze ans des centaines dâenfants. Cela a été une grande histoireâ¦Â »
Il est vraiment insoutenable, ce couloir qui mène jusquâà la cellule de Talia, à Fleury-Mérogis. Jâaccompagne Michel avec une certaine anxiété hameçonnée au cÅur. Suis-je légitime ici ? Tout est flou, comme brouillé devant mes yeux. Nous sommes bien loin des plateaux de télévision, des stars et des sunlights. Tout est sombre, insalubre, sordide, et lâaccueil de lâadministration pénitentiaire est plutôt dissuasif. Les murs ruissellent de crasse et des indescriptibles traces dâhommes oubliés. Les fameuses portes trop lourdes des cellules sont alignées à lâinfini. Nous marchons au milieu de détritus, de cafards, de tout ce quâon peut imaginer de plus repoussantâ¦
Les prisonnières qui ont un enfant en milieu carcéral bénéficient dâun traitement plus « humain ». Elles disposent dâune cellule individuelle et peuvent garder leur bébé avec elle jusquâà ce quâil atteigne lââge de dix-huit mois. Il est ensuite placé ou récupéré par sa famille à lâextérieur, loin de leurs mères. Celles-ci savent parfaitement quâelles ne peuvent leur offrir aucun avenir entre ces murs qui ne portent en eux que douleur et absence de destin. Mais en attendant la date de la séparation, ces mamans les gardent près dâelles comme de précieux trésors. Leur seule échappatoire de la cellule, câest la cour. Câest leur
Weitere Kostenlose Bücher