Avec Eux...
sâobstiner, ne jamais lâcher un dossier tant quâil reste une petite parcelle dâespoir, toujours impliquer les uns et les autres, tenter ces dialogues impossibles et puis, à la fin du jour, parfois à la fin de la nuit, enfin, prendre les décisionsâ¦Â »
Sur le perron du Quai dâOrsay, Philippe et Bernard se serrent officiellement la main devant la foule des caméras. Mais ensuite ils sâembrassent, attitude plutôt inhabituelle dans un cadre si formel, qui témoigne de leur profonde amitié. Mais câest dâun pas triste que Philippe sâéclipse vers la voiture officielle qui lâattend tandis que Bernard prend possession de son bureau. Je ne pars pas avec lui. Nous avons convenu de nous retrouver un peu plus tard, loin des médias. Je reste là , dans ce ministère à lâambiance très étrange, entre les au revoir, les huissiers en queue-de-pie qui ouvrent et ferment les portes, le tapis rouge, les voitures qui sâéloignent et celles qui arrivent derrière les grilles noiresâ¦
Je ferme les yeux et je respire une dernière fois le parfum des lys blancs, ma fleur préférée. Depuis deux ans, jâai transformé le ministère en jardin de lys. Peu à peu, les souvenirs me submergent.
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Je nâai jamais habité le 37 quai dâOrsay avec Philippe. Câest une chance, car, dans ma tristesse de devoir le quitter, je ne perds pas en même temps ma maison privée. Quoique⦠Jây ai toutes mes habitudes, câest là que Jada et son frère Sorey, mes deux enfants du bout du monde dont je vous parlerai bientôt, viennent me rejoindre tous les jours. Cela aussi va devoir sâarrêter. Je suis très attachée à ce lieu, bien davantage que je ne lâai été à tous mes bureaux dans les différentes chaînes de télévision pour lesquelles jâai travaillé. Ce nâest pas comparable. Je crois que la politique mâa habitée bien plus que les médias. Lâidée de voir sâévanouir dâun seul coup tout un pan de notre vie, avec le départ de Philippe du ministère, mâest presque insupportable. Je devine que quelque chose de grave va se passer dans notre existence, mais je ne sais même pas à quel point⦠On en parlera plus tard.
Par un escalier dérobé, je monte dans « mon bureau » pour être un peu au calme avec ma meilleure amie Anouchka Crucovskoy, en charge jusquâà aujourdâhui de lâharmonisation et de la communication des agendas du ministre et du mien. Ce bureau est rempli de souvenirs. Les miens, mais également ceux laissés par lâHistoire. Il est composé de la chambre et de la salle de bains de la reine, construites en 1938 pour la venue en France de Queen Mum, la mère de lâactuelle reine Elizabeth II et du roi dâAngleterre George VI. La décoration est à la fois somptueuse et chaleureuse avec de nombreux miroirs, des mosaïques de Venise, des dalles de verre, des couleurs or et argent sur le thème de la confrontation du soleil et de la lune, dâApollon et de Diane.
Jâai imaginé et mis en Åuvre tant de choses depuis ce petit cocon en tant que compagne du ministre. Jâétais la présidente de Bienvenue en France, une association accueillant les femmes de diplomates étrangers pour rendre leur séjour en France le plus réussi possible. Dans le cadre de cette chaîne dâéchanges culturels, je faisais en sorte, avec les équipes en place, de proposer des activités sur les thèmes les plus variés. Je repense aussi à cette magnifique opération « Dessine-moi la paix », dont le propos était de créer un mur sur lequel les enfants du monde dessineraient leur vision de la paix sur des petites plaques de céramique. Pour cela jâavais demandé à toutes les épouses dâambassadeurs de France à lâétranger de choisir dix enfants dans leur pays. Toutes leurs petites plaques disposées en forme de carte du monde ont formé le Mur de la Paix, que lâon peut toujours voir non loin du musée Roland-Garros.
Me reviennent en tête en même temps les Noël des enfants du Quai dâOrsay et les cadeaux que je distribuais à cette occasion à tous les enfants. Jâavais également fait venir de nombreux artistes au
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