Avec Eux...
dâaffaires et des amoureux. Le café franco-russe conçu à lâancienne, dans toute sa magnificence, suspendu dans le tempsâ¦
Lorsque les voitures nous déposent devant le restaurant, je suis persuadée de ne pas être invitée à cette soirée. AnouchkaCrucovskoy, en charge de lâharmonisation des agendas de Philippe Douste-Blazy et moi-même, mâaffirme le contraire : il sâagit dâun « format à quatre », selon lâexpression consacrée dans le jargon politique, câest-à -dire un dîner où sont conviées les épouses. Je suis vêtue dâun long manteau tombant sur les chevilles, et chaussée de bottes russes en fourrure. La température avoisine moins cinquante-cinq degrés. Le givre nous saisit intégralement le visage et le corps. Le dîner est tout aussi glacial à lâintérieur du Café Pouchkine. Nous sommes cinq à table : Sergueï Lavrov et son épouse, Philippe Douste-Blazy et moi, et une interprète. Commencent alors les fameuses banalités de circonstance. Le sempiternel rituel est en marche. Nous parlons de la météo, des plats qui nous sont servis, les pelminis, des sortes de raviolis sibériens, le fameux bÅuf Stroganoff et la spécialité, la côtelette de veau Pojarski. La femme de Sergueï Lavrov est parfaitement conforme à ce que lâon attend dâelle : discrète, souriante et totalement silencieuse. De mon côté, jâattends, jâécoute, jâobserve. Pourtant, à mon grand étonnement, peu à peu, la froideur va se transformer en un dîner amical.
Pour commencer, le ministre russe sâintéresse à mon parcours et me demande la fonction que jâoccupais avant de partager ma vie avec Philippe Douste-Blazy. Je lui parle de mon métier de productrice dâémissions de télévision, puis de ma passion pour lâécologie et le sort de la planète. Son visage, jusquâalors plutôt fermé, sâillumine. Il mâexplique quâil revient de lâexpédition menée par Nicolas Vanier, lâOdyssée sibérienne, au cours de laquelle lâaventurier français, avec son équipage de chiens de traîneau, traversa les huit mille kilomètres séparant le lac Baïkal de Moscou. Sergueï Lavrov ne tarit pas dâéloges sur Nicolas Vanier, que je connais bien puisque je lui ai fait faire sa première émission de télévision,avec Nicolas Hulot, sur TF1. Pour le ministre russe, cette traversée rapproche nos deux pays et met en lumière les somptueux et inconnus territoires vierges de la Russie. Nous enchaînons alors les sujets, évoquant Nicolas Hulot, dont il semble connaître le nom. Philippe Douste-Blazy emboîte le pas et souligne lâimportance du regard que nous devons tous avoir sur la planète. Le sujet de fond de la rencontre nâest toujours pas abordé, mais lâatmosphère se détend à vue dâÅil. Même lâépouse de Sergueï Lavrov participe au réchauffement observé et nous fait part de son intérêt pour la cause animale. Au fil de la soirée, jâai lâimpression que le terrible Sergueï Lavrov commence à mâapprécier. Il mâinvite dâailleurs le lendemain avec Philippe Douste-Blazy à prendre un thé au ministère russe des Affaires étrangères. Ce jour-là , lâinterprète elle-même me confie quâelle sent une relation amicale se nouer entre le ministre et moi. Puis, avant dâentamer une nouvelle session de travail avec Philippe Douste-Blazy, Sergueï Lavrov mâembrasse sur la joue. Me retrouvant seule, je décide alors de me promener dans le Moscou glacial. La Russie me montre alors son double visage : cette pauvreté sordide cohabitant avec le luxe le plus tapageur. à mon retour à lâhôtel Kempinski, jâapprends que Philippe a obtenu ce pour quoi il était venu. Dans lâavion qui nous ramène à Paris, lâinterprète lui confie : « Votre femme a été un élément véritablement déclencheur lors de ce dîner. Sergueï Lavrov lâaime beaucoup. »
Cette rencontre mâa en tout cas appris un tout petit « truc » dâune importance majeure : désormais je me renseigne toujours systématiquement sur la première
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