Avec Eux...
mâindiquait sâil était en rendez-vous ou pas.
Mais plus de souvenirs personnels. Plus la moindre photo, plus le moindre stylo oublié. Rien. Le vrai rien, celui du vrai départ.
â Je veux continuer à travailler avec vous deux, nous annonce sans détour Bernard Kouchner, avec sa gentillesse et ce sourire que je lui connais bien.
Puis il nous entraîne vers Pierre Vimont, le directeur de cabinet.
â Pierre, jâaimerais que Dominique et Anouchka continuent à travailler avec nous. Elles sont légitimes !
Je suis estomaquée.
â Mais Bernard, tu es fou, câest impossible ! »
â Tout est possible, tu es légitime !
â Mais nous sommes dans un cas de figure invraisemblable : le ministre qui sâen va se trouve être mon compagnon !
Bernard a pris sa décision et semble vouloir sây tenir. Anouchka et moi ne savons que lui répondre tant cette proposition est à la fois troublante et inattendue. Nous reprenons une coupe de champagne en nous demandant si cette opportunité est seulement envisageable. Je dois avouer que nous sommes flattées, mais tout cela semble impensable. En tout cas en ce qui me concerne.
Au bout dâun moment, je me décide à appeler Philippe : « Où es-tu ? Je voudrais te rejoindre, je me trouve dans une situation assez particulièreâ¦Â » Je lui raconte lâincroyable entrevue que je viens de vivre. Son jugement est sans appel : « Dominique, comment peux-tu imaginer un seul instant accepter ce poste ? Je suis avec mon équipe, on se retrouve tout à lâheure, mais évidemment câest non ! » Lorsquâil raccroche je me retrouve un peu perdue. Le son de mon portable avait claqué comme une gifle, avec lâimpression que mon existence filait entre mes doigts sans que je ne puisse la retenir : je nâexerce plus mon métier de productrice de télévision, je dois quitter ce ministère des Affaires étrangères que jâadore, on me propose une fonction et je ne peux lâoccuper. Le processus de désidentification suit son funeste chemin. Il me semble quâen ce moment même je fais ungrand saut dans le vide, qui me fait très peur. Je quitte le ministère sur la pointe des pieds. Anouchka me dépose chez moi dans sa petite Smart, entièrement recouverte de publicités. Je suis bien loin des voitures officielles et du protocole. Une autre existence commence. Dans notre appartement, jâattends Philippe longtemps, très longtemps⦠Trop longtemps.
Jâai vécu par procuration cette charge capitale de ministre des Affaires étrangères et européennes. Câest une expérience unique, irremplaçable à mes yeux, que le privilège de rencontrer ceux qui font le monde et décident de son sort. Comment tourner cette page ? Je dois absolument mâinvestir très vite dans quelque chose dâautre. à son retour, Philippe me rassure : « Ne tâinquiète pas, on verra bien, tu tâoccuperas avec moi dâUnitaidâ¦Â »
Â
Un mois plus tard, Philippe sera nommé conseiller privé du président de la République. Il ne saura jamais ce que cela signifie parce quâil nâa jamais joué ce rôle, son nouveau bureau rue de lâÃlysée étant un bureau fantôme. De mon côté, jâai travaillé quelque temps à ses côtés pour Unitaid, et puis nous nous sommes séparés, de la façon la plus douloureuse qui soitâ¦
Parfois je retourne au ministère des Affaires étrangères déjeuner avec dâanciens collaborateurs. Ce que jâappelle encore « mon bureau boudoir » a changé depuis quâon lâa restauré en 2004. Le parfum des lys nâest plus là â¦
Pour finir
29. Sur les chemins de lâadoption
Jâai soutenu depuis toujours lâaction dâun médecin pour lequel jâai une admiration sans limites : le professeur Deloche. Il a créé des hôpitaux, que lâon pourrait appeler « des hôpitaux de guerre », dans le cadre de la Chaîne de lâespoir, lâassociation quâil a mise sur pied. Il en a ouvert un au Cambodge, qui me tient particulièrement à cÅur, et un autre à Kaboul, en Afghanistan, dont jâai vu
Weitere Kostenlose Bücher