Avec Eux...
dâintéressant dâun point de vue humain dans une conversation. Ãtre utile aux autres est vital à mon équilibre. Au risque, parfois, dây laisser des plumes.
Il mâest arrivé de me plonger tout habillée au Soudan, dans la piscine dâun hôtel avec la journaliste Anna Bitton, comme pour nous purifier et essayer dâoublier les images insupportables de ces femmes, ces enfants et ces hommes quimouraient dans des camps de réfugiés, à quelques kilomètres de là . Des camps qui nâavaient rien à envier en horreur aux funestes camps de concentration nazis. Il mâétait interdit dâobserver, et je nâavais pas trouvé dâautre moyen pour signifier ma désapprobation. Jâavais tellement honte dâêtre là , aussi impuissante. Pourtant, chaque fois que je suis partie dans des missions ou des voyages officiels aux côtés du ministre des Affaires étrangères, jâai toujours eu à cÅur dâétablir un programme différent de celui « dâépouse », comme le veut lâusage, mais qui ressemble au plus près à une véritable mission humanitaire, sociale ou médicale. Jâestime que là était mon rôle, tel que je voulais lâenvisager.
Je me souviens notamment de ma rencontre en Ãgypte avec les chiffonniers du Caire et leurs enfants, dans les déchetteries, ou avec cette femme extraordinaire qui sâoccupait de la réinsertion des enfants soldats en Afrique. Ma ligne de conduite est dâêtre utile. Je reprends à mon compte les paroles dâÃtienne Roda-Gil pour Julien Clerc : « à quoi sert une chanson si elle est désarmée ? Même si câest moi qui chante à nâimporte quel coin de rue, je veux être utile à vivre et à rêver. »
Ai-je gardé quelque chose des dîners officiels ? Philippe Douste-Blazy mâa beaucoup reproché dâen avoir fui un certain nombre. Ce fut certainement une erreur de ma part de les éviter, je le reconnais, mais ils étaient tellement éloignés de lâidée que je me faisais dâune rencontre avec ces hommes-là , qui ont le pouvoir dâaméliorer le monde. Jâaurais voulu pouvoir provoquer une petite avancée, faire naître une autre forme de réflexion chez eux.
François Mitterrand résumait la diplomatie ainsi : « La forme, câest le fond, et si la forme vient à manquer, câest le fond qui périt. » Il me fallait donc mettre les formes⦠Mais où était le fond ? Ma déception était très souvent profonde.Je nâai jamais eu le sentiment de contribuer à consolider ce fond. à lâexception peut-être dâun déplacement en Russie, un soir au Café Pouchkine⦠Un instant où la diplomatie sâest effacée pour faire la part belle aux êtres humains.
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Ces 18 et 19 janvier 2006, jâaccompagnais Philippe Douste-Blazy lors de sa première visite officielle en Russie en tant que ministre des Affaires étrangères. Il devait y rencontrer à Moscou son homologue russe, Sergueï Lavrov, pour sâentretenir sur de nombreux sujets dâactualité de politique internationale, parmi lesquels la présidence russe du prochain G8, la crise du dossier nucléaire iranien, la lutte contre le terrorisme et les relations entre lâUnion européenne et la Russie sur le plan énergétique. Sergueï Lavrov a la réputation dâêtre un homme extrêmement dur en affaires, et souvent opposé aux décisions prises collectivement par les autres ministres des Affaires étrangères. Ce rendez-vous-là était capital, il était inenvisageable quâil se solde par un échec.
Avant la réunion avec tous les conseillers, un dîner est prévu dans le légendaire Café Pouchkine, situé à quelques pas du Kremlin, sur le Tverskoï boulevard. Créé en 1999, le lieu est une pure invention de Gilbert Bécaud et de Pierre Delanoë qui lui avaient donné vie en 1964 dans la célèbre chanson Nathalie  : « Je pensais déjà quâaprès le tombeau de Lénine, on irait au café Pouchkine boire un bon chocolatâ¦Â » Tout en boiseries, dans une atmosphère cosy, lâétablissement moscovite est le QG des personnalités, des hommes
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