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Aventuriers: Rencontres avec 13 hommes remarquables

Aventuriers: Rencontres avec 13 hommes remarquables

Titel: Aventuriers: Rencontres avec 13 hommes remarquables Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Heimermann
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guerre.
    Plus que jamais l’heure convenue était dépassée. Il était temps de prendre congé. En conclusion, Harrer avait tenu à évoquer le sort des Tibétains désormais passés aux oubliettes de l’histoire. Juste avant d’oser une ultime boutade : « Me fera-t-on aussi le reproche de m’être intéressé à leur devenir par pure vanité et opportunisme ? »

THOR HEYERDAHL
    Le rêve du capitaine
    Il n’aimait pas l’eau et savait tout juste nager. Et pourtant, jamais ces deux handicaps ne l’empêchèrent d’étudier les coutumes des habitants des îles Marquises, de recenser plus de cent espèces d’iguanes aux Galápagos ou d’expliquer le pourquoi des statues de l’île de Pâques. Jamais surtout ils ne le dissuadèrent d’entreprendre, sur toutes les mers du globe, des pérégrinations insensées dans le seul but de conforter des théories migratoires inattendues ou des hypothèses de peuplement controversées.
    Le 29 avril 1947, dans le port de Calao au Pérou, Thor Heyerdahl inaugura son raid le plus mémorable : l’épopée du Kon-Tiki , improbable radeau de balsa, de bambou et de chanvre qui au terme de cent un jours de traversée échoua, 7 000 milles plus à l’ouest, sur les récifs meurtriers de Raroïa, aux Tuamotu. Un voyage qui, au sortir d’un conflit mondial traumatisant, versa d’emblée dans le romantisme le plus pur. Les naufragés n’avaient pas encore rassemblé leurs esprits et les débris de leur folie que l’opinion, dans son ensemble, se mit à applaudir leur aventure. Au-delà de l’argument ethnologico-historique qui postulait que d’antiques marins sud-américains avaient contribué à peupler la Polynésie à l’aube de l’humanité, s’imposait le déroulement d’une entreprise simplement authentique.
    Aux critiques préalables des autorités navales et scientifiques, les béotiens du monde entier opposèrent un raz de marée d’admiration et de reconnaissance mêlées. Sur fond de guerre froide, l’expérience du frêle esquif lancé à l’assaut du temps et de l’océan rallia tous les suffrages. Et son principal initiateur avec elle. Sa vie durant Thor Heyerdahl donna le change. Avec humilité. Il savait sa théorie sujette à caution – et d’autres qu’il développera par la suite – mais il joua le jeu. Peut-être avait-il conscience que l’essentiel n’était pas qu’affaire d’équations infaillibles et de théorèmes incontestables.
    Toujours Heyerdahl s’interrogeait et c’est cet aspect de lui-même qui séduisit le plus ceux qui l’admiraient et le suivaient. D’autant que ce curieux invétéré avait un talent inimitable pour rapporter et partager.
    Pédagogue d’entre les pédagogues, Heyerdahl était convaincant même quand il avait tort. Mieux, il incitait ceux qui l’écoutaient à aller, si ce n’est vérifier par eux-mêmes, du moins chercher sur d’autres chemins des points de vue qu’il accueillait toujours avec bienveillance. Jamais Heyerdahl ne refusait le dialogue. Jusqu’à son dernier souffle – il est mort le 18 avril 2002, à Colla Micheri en Italie, à l’âge de quatre-vingt-sept ans –, il accepta de dialoguer avec ses détracteurs. A Tokyo, Buenos Aires, Paris, dans toutes les capitales qu’il visitait sans relâche. Mais plus encore à Oslo, où il aimait se reposer à intervalles réguliers. Là, dans un environnement champêtre, et les dédales d’un musée entièrement consacré à son œuvre, il appréciait de remonter le cours de sa vie dans le seul but d’échanger un peu plus avec ceux venus l’interroger.
    Des cartes, des maquettes, des coquillages, des statuettes : quel plus beau décor imaginer pour accompagner celui qui se flattait avant tout d’être un « vulgarisateur » moins sûr de son savoir que de la méthode pour en rendre compte. Dans son parfait blazer à boutons dorés, le capitaine n’avait pas son pareil pour montrer le cap et enfoncer le clou. Heyerdahl parlait comme à voix basse. Et son timbre, déjà, disait beaucoup. « Pourquoi je regarde toujours par-dessus mon épaule? Mais tout simplement parce qu’il est fondamental de connaître le chemin parcouru hier avant d’envisager quelle route emprunter demain. »
    Lorsqu’il a quitté les rives de sa terre natale, en 1932, Thor Heyerdahl était encore loin d’être animé par cette certitude souveraine. Fils d’un brasseur prospère, il avait certes étudié la biologie et la géographie, mais préférait

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