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Aventuriers: Rencontres avec 13 hommes remarquables

Aventuriers: Rencontres avec 13 hommes remarquables

Titel: Aventuriers: Rencontres avec 13 hommes remarquables Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Heimermann
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familles bourgeoises, les escaladeurs nés sur les contreforts bavarois ou tyroliens considéraient les sommets à conquérir d’abord comme des ennemis. Des adversaires qu’il convenait de surmonter et de combattre. « Vaincre ou mourir », préconisaient ces jusqu’au-boutistes, élevés, par contraste, dans des milieux d’ordinaire beaucoup moins favorisés.
    Présomptueux et rebelle, le jeune Harrer l’était. Courant, skiant, grimpant avec le projet d’être le plus fort, le meilleur. « Ah ! le sentiment d’être un instant, un instant seulement, supérieur aux autres... » Une phrase comme une antienne. Immédiatement suivie par cette question : « Mais pourquoi devrais-je nier l’évidence ? » Aimable et souriant, le vieillard bonhomme revint plus d’une fois à la charge au cours de cette belle journée tout en reconnaissant, dans la foulée, les limites d’une telle quête, les dangers qu’elle recouvre et, pis encore, l’exploitation qui peut en être faite si tant est que le contexte se plaise à tirer avantage de pareille exaltation.
    « Mais rappelez-vous du contexte ! » En 1938, au moment où les meilleurs alpinistes du moment résolvaient, un à un, les grands « problèmes » alpins et envisageaient même le plus impensable d’entre eux – la face nord de l’Eiger –, la tendance était, c’est vrai, à la confusion des valeurs. Le cœur du Reich battait au rythme des nervis nazis, des lubies millénaires et des idéaux de pacotille. Dès son arrivée aux affaires, la clique hitlérienne avait commandé à ses sportifs et ses aventuriers, fers de lance d’une race forcément conquérante, qu’ils marchent au pas. Toutes les associations de randonneurs, de montagnards ou de scouts furent tenues d’épurer leurs rangs. Les alpinistes, héros par définition supérieurs, se plièrent comme les autres. N’étaient-ils pas les porte-étendards capables « d’infléchir et de dominer » Dame Nature selon les préceptes même de l’idéologie du moment?
    Pour eux tous les défis étaient envisageables. Même l’Eiger et ses 1 600 mètres de roc plantés à la verticale. Un piège si meurtrier que les autorités suisses en avaient officiellement interdit l’accès. Au cours des trois années précédentes, pas moins de huit alpinistes s’y étaient perdus. Le dernier en date, Toni Kurz, au terme d’un sacrifice on ne peut plus macabre. Coincé dans la face, le malheureux espéra longtemps une cordée de secours. Arrivée enfin mais qui échoua à établir la jonction pour quelques dizaines de centimètres seulement. Difficile de faire pire : pendant deux jours, le corps du sacrifié demeura suspendu au-dessus du vide comme un condamné pendu au bout de sa corde.
    En même temps que dix et vingt autres intrépides, Heinrich Harrer et Fritz Kasparek estiment néanmoins le challenge réalisable. Tous deux sont d’excellents rochassiers, durs au mal et plus encore à l’effort. En catimini ils ont acheminé leur matériel et anticipé leur progression au pas de course. La faute à la concurrence et plus encore à la menace d’Anderl Heckmair et Wiggerl Vörg, deux Allemands particulièrement déterminés.
    Dans un premier temps, les Autrichiens sont les plus prompts, mais pas les plus rapides. Demeurés en retrait, leurs concurrents s’en aperçoivent et accélèrent le pas. Là où Harrer et Kasparek taillent des marches dans la glace à grands coups de piolet rageurs, les Allemands plantent les dents de leurs crampons, premiers du genre, sans s’attarder le moins du monde. Le 22 juillet, à 11 h 30, les deux équipes se rejoignent pour bientôt n’en former qu’une. Heckmair, le plus doué du lot, prend les commandes et Harrer, le plus solide, ferme la marche. A lui la tâche de porter les lourdes charges, à lui surtout la responsabilité de rassembler les cordes et les pitons abandonnés chemin faisant.
    Le brouillard, plusieurs chutes de pierres, un ultime bivouac consenti à 200 mètres du sommet n’y changeront rien : à 15 h 30, le 24, la face nord de l’Eiger avait enfin trouvé ses maîtres. Dès le lendemain, les vainqueurs de la montagne impossible sont récupérés et fêtés à l’égal de demi-dieux. Hitler, bien sûr, tenta de profiter de leur exemple. Comme il avait sollicité les fantassins en culotte courte des récents Jeux olympiques de Berlin, le boxeur Max Schmeling parti à l’assaut de l’Amérique ou le tennisman Gottfried von Cramm chargé de

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