Aventuriers: Rencontres avec 13 hommes remarquables
suisses, achevés dans la chaleur du désert égyptien qui ont offert à Bertrand Piccard une belle occasion de continuer l’excellence familiale. En réfléchissant, en priorité, à d’autres technologies « douces » susceptibles de tirer parti des forces initiales de la nature. Les courants sous-marins, en premier lieu, que le cadet des Piccard rêva un temps d’accompagner à l’intérieur d’un scaphandre de survie adapté. Ou les rayonnements solaires qu’il espère, plus sérieusement, utiliser pour alimenter un planeur surdimensionné susceptible, lui aussi, d’accomplir une dérive circumterrestre. Un avion solaire insensé qu’il entend faire voler d’ici à 2007. Avec cette belle devise en tête : « Seules la science et l’aventure sont à même de balayer nos certitudes et nos contraintes jusqu’à nous promettre l’impensable et l’irréalisable. »
STEVE FOSSETT
Collectionneur de records
Steve Fossett ne compte jamais. Ni son plaisir, ni son argent. Le 16 août 1998, il a néanmoins calculé jusque dans leurs plus infinis partages les six cents secondes qui l’ont séparé de la mort. Dix minutes pour freiner la chute de son ballon refroidi par la grêle et réchauffer son enveloppe devenue folle. Dix minutes pour accompagner – entre 8 000 et 9 000 mètres d’altitude ! – un mouvement de Yo-Yo insupportable et constater une déchirure irrémédiable. Dix minutes pour dégringoler de la voûte du ciel jusqu’aux flots bleus du Pacifique. Dix minutes pour penser aux siens, se coucher sur le dos au fond de sa nacelle et attendre le pire.
Une simulation grandeur nature avait promis au malheureux une mort certaine au cas où sa descente dépasserait les 42 km/h. L'altimètre du bord qui traduit une vitesse supérieure de 8 km/h achève de l’étourdir. La réception est un cauchemar. Chahutée à l’extrême, la cabine d’aluminium effectue un tour complet sur elle-même et se remplit d’eau dans la seconde. Groggy, le rescapé s’extirpe et bascule la tête en avant. La première terre – la Grande Barrière australienne – est à plus de 500 kilomètres, mais pour son bonheur deux objets l’accompagnent : sa balise et son canot de survie !
Non content de sortir de cette mauvaise passe et d’être récupéré par un cargo de passage, Steve Fossett finira – en juillet 2002 – par accomplir ce fameux tour du monde en solitaire. Après six tentatives et neuf années de patience. Chemin faisant son ballon a, tour à tour, embrassé un champ de blé au Canada, échoué dans une cour de ferme en Inde et percuté un arbre aux confins de la Russie. Autant de contrariétés ordinaires pour qui a choisi de pimenter son existence. Fossett l’a répété à maintes reprises : rien ne lui sied moins que de demeurer assis sur son tas d’or, rien ne lui plaît davantage que de faire monter les enchères. Dans ce sens, même ses rendez-vous les plus anodins ont valeur de démonstration.
On se souvient, par exemple, d’une première rencontre fixée dans l’aire d’arrivée de la descente n° 1, au bas de la piste de ski de Beaver Creek, au cœur des Rocheuses américaines, à midi précis. Engoncé dans une combinaison anthracite, le bonhomme débarqua tout schuss. Son partenaire du jour – comme lui engagé dans une épreuve de gentlemen – s’appelait Greg LeMond, triple vainqueur du Tour de France cycliste. Leurs temps cumulés étaient appréciables, et les tapes dans le dos qui suivirent marquaient bien l’importance que l’un et l’autre attribuaient à l’exercice.
On se souvient aussi d’une deuxième entrevue programmée sur le tarmac désert du Stead Air-port de Reno, dans le Nevada, devant le hangar n° 3, également à midi tapant. Chemise et pantalon légers, le même apparut tout sourire face au garage de tôle où était garé son Falcon immaculé et à l’intérieur duquel était entassé tout un bric-à-brac de réservoirs et de nacelles, témoins d’une balade en ballon achevée le matin même.
Croiser Steve Fossett revient obligatoirement à découvrir sa lubie du moment et, dans le même temps, à jauger la bonne santé de ses avoirs. Derrière sa bouille ronde et sa voix de jeune fille, le nabab de l’aventure dissimule, en toute occasion, la passion du gamin planté devant un arbre de Noël transformé en corne d’abondance. Il dit : « Je possède beaucoup, mais j’aime surtout réaliser » ; répète : « Je ne suis pas intéressé par la
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