Azincourt
sais, avoua Hook,
fatigué, en décordant son arc.
— Attaquons-nous de
nouveau ? insista Sclate.
— Je pense que nous attaquerons
en même temps que le duc, avança Hook. Dans deux heures.
— Ils seront prêts alors, se
lamenta Sclate.
En effet, la garnison serait prête.
Avec ses bombardes, ses arbalètes et son huile bouillante. Voilà ce qui
attendait les soldats revêtus de la croix écarlate. Les hommes d’armes se
reposaient en attendant les ordres, tandis que les bannières pendaient le long
de leurs hampes et qu’un étrange silence enveloppait Harfleur. L’attente.
— Quand nous attaquerons !
(La voix de sir John brisa le silence. Il déambulait devant les abris des
archers, sans se soucier d’être ainsi exposé à l’ennemi, mais les arbalétriers
français, ayant sans doute reçu ordre de ne pas gaspiller leurs carreaux,
l’ignorèrent.) Quand nous attaquerons, reprit-il, vous avancerez ! Sans
cesser de tirer ! Mais vous continuerez d’avancer ! Quand nous aurons
passé le mur, je veux les archers avec nous ! Nous allons devoir traquer
ces gueux à travers leurs maudites rues et je vous veux tous là ! Et bonne
chasse ! Puisque c’est une journée pour occire les ennemis de notre roi,
qu’ils soient occis !
Et quand ce serait terminé, se
demanda Hook, combien d’Anglais seraient encore en vie ? L’armée qui avait
fait voile depuis Southampton était assez réduite, mais à présent ?
Désormais, estimait-il, il n’en restait que la moitié, pour beaucoup malades,
pour entrer dans les ruines d’Harfleur quand l’armée française se déciderait
enfin à combattre. On disait qu’elle était considérable, que c’était une horde
impatiente de balayer l’impudent envahisseur anglais, même si Dieu semblait
déjà s’en charger avec la maladie.
— Qu’on en finisse, grommela
Will du Dale.
— Ou qu’on leur laisse leur
maudite cité, répondit Tom Scarlet. Ce n’est plus qu’un tas de décombres.
Et si l’attaque échouait ? se
demanda Hook. Si Harfleur ne tombait pas ? Ce qui restait de l’armée
d’Henry rentrerait en Angleterre, vaincue. Cette campagne qui avait si bien
commencé dans une fanfare de bannières et d’espoir s’enlisait dans le sang,
l’ordure et le désespoir.
Un autre trompette se mit à jouer
les mêmes notes moqueuses dans la cité. Sir John se retourna et gronda, assez
fort pour que les Français entendent :
— Je veux que ce maudit soit
étripé ! Étripé !
C’est alors que, contre toute
attente, un homme apparut au sommet de la muraille. Ce n’était pas le
trompette, qui continuait de sonner derrière le rempart. L’homme était sans
armes et il agitait les bras devant les Anglais.
Les archers se levèrent, prêts à
tirer.
— Non ! hurla sir John.
Bas les arcs ! Bas les arcs !
Les notes de la trompette décrurent
et cessèrent. L’homme gardait les mains ouvertes au-dessus de sa tête.
Et, miracle aussi soudain
qu’étonnant, tout fut terminé.
Les soldats d’Harfleur ne voulaient
pas se rendre, mais les habitants avaient assez souffert. Ils étaient affamés.
Leurs maisons avaient été démolies et incendiées par les projectiles des
Anglais, la maladie gagnait, ils voyaient la défaite comme inévitable et
savaient que des ennemis assoiffés de vengeance violeraient leurs filles. Le
conseil avait demandé que la ville se rende et, privée du soutien des
Harfleurais qui tiraient à l’arbalète depuis les murs et de la nourriture que
préparaient les femmes, la garnison ne pouvait prolonger le siège.
Le sire de Gaucourt, qui avait
commandé la défense, demanda une trêve de trois jours pour envoyer un messager
au roi de France et savoir si une armée devait venir au secours de la cité.
Sinon, il se rendrait à la condition que l’armée anglaise ne commette aucune
exaction ni aucun viol. Henry ayant accepté, clercs et nobles des deux parties
se rassemblèrent à la brèche de la porte de Leure où tous jurèrent
solennellement de respecter les termes de la trêve. Ensuite, Henry ayant pris
des otages pour garantir que la garnison tiendrait parole, un héraut s’approcha
des murailles et annonça en français aux habitants qui avaient assisté à la
cérémonie :
— Vous n’avez rien à craindre !
Le roi d’Angleterre n’est point venu vous anéantir ! Nous sommes de bons
chrétiens et Harfleur n’est point Soissons ! Vous n’avez rien à
redouter !
La
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