Azteca
fidélité ou encore
à d’autres motifs indéterminés qui m’avaient fait parier sur mon ancien
protecteur, j’ai gagné beaucoup d’or, ce jour-là. Pourtant, je donnerais tout
cet or – si je l’avais encore – et même mille et mille fois plus, pour avoir
perdu.
Oh, non, je ne dis pas cela parce que la victoire de Nezahualpilli
venait confirmer ses prédictions. J’y croyais déjà ; le méchant dessin
maya m’avait convaincu. Si je regrette amèrement son triomphe, c’est qu’il fut
pour moi, et pour moi seulement, la cause d’une tragédie.
Mes ennuis commencèrent dès l’instant où Motecuzoma quitta le terrain,
en proie à une violente colère. Je ne sais comment, le temps que les
spectateurs aient évacué leurs places, ils savaient déjà que la partie était
plus importante qu’il n’y paraissait et qu’elle avait été une épreuve de force
entre les devins des deux Orateurs. Tout le monde comprit que la victoire de
Nezahualpilli apportait du crédit à ses prédictions funestes et apprit la
nature de ces prophéties. Sans doute, un des courtisans de Texcoco les avait
divulguées en voulant étouffer le bruit que son seigneur avait gagné grâce à
des moyens magiques. Tout ce dont je suis sûr, c’est que la vérité finit par
éclater, mais ce n’était pas par ma faute.
« Si ce n’est pas de ta faute, me dit Motecuzoma sur un ton de
fureur glacée, si tu n’as rien fait qui mérite un châtiment, alors, je ne te
punis pas. »
Nezahualpilli venait de quitter Tenochtitlán et deux gardes du palais
m’avaient presque emmené de force devant l’Orateur Vénéré qui m’avait appris le
sort qu’il me réservait.
« Mais mon Seigneur m’ordonne de mener une expédition militaire,
protestai-je, au mépris de tout protocole. Si ce n’est pas un châtiment, c’est
bien un bannissement et je n’ai rien fait.
— Chevalier Mixtli, coupa-t-il, ce commandement que je te donne
est une sorte d’expérience. Tous les présages annoncent que les envahisseurs
viendront du sud. Il faut donc renforcer nos défenses de ce côté. Si ton
expédition réussit, j’enverrai d’autres chevaliers avec d’autres convois
d’émigrants dans cette région.
— Mais, Seigneur, insistai-je, je n’ai aucune qualité dans ce
domaine.
— Je n’en avais pas, moi non plus, jusqu’à ce qu’on me prie de
faire exactement la même chose dans le Xoconochco. » Je ne pouvais pas le
contredire, en ayant été un peu responsable. Il poursuivit : « Tu
emmèneras avec toi une quarantaine de familles, environ deux cents personnes,
hommes, femmes et enfants. Ce sont des paysans sans terres. Tu les établiras
dans le sud et tu veilleras à ce qu’ils bâtissent un village convenable et bien
défendu. Voici l’endroit que j’ai choisi. »
Il me montra une carte que j’avais moi-même tracée, mais la région
qu’il indiquait était vide car je n’y avais pas pénétré.
« Seigneur Orateur, c’est sur le territoire des Teohua-cana. Je ne
sais pas s’ils apprécieront d’être envahis par des étrangers.
— Ton vieil ami Nezahualpilli nous a conseillé de lier amitié avec
nos voisins, n’est-ce pas ? Une de tes tâches consistera à convaincre les
Teohua-cana que tu es venu avec de bonnes intentions et en farouche défenseur
de leur pays, comme du nôtre.
— Oui, Seigneur, fis-je tristement.
— L’Orateur Vénéré Chimalpopoca de Tlacopan a la bonté de te
fournir une escorte armée. Tu auras sous tes ordres un détachement de quarante
soldats Tecpanecá.
— Pas même des Mexica ? balbutiai-je. Mais, Seigneur Orateur,
jamais des soldats Tecpanecá n’obéiront à un chevalier mexicatl. »
Il le savait aussi bien que moi ; c’était pure perversité de sa
part, une façon de me punir d’avoir été l’ami de Nezahualpilli.
« Les soldats te serviront de protection pendant le voyage et
ensuite, ils resteront dans la forteresse que tu construiras. Quant à toi, tu
demeureras sur place jusqu’à ce que les familles soient complètement
installées. Cette colonie s’appellera Yanquitlan, l’Endroit Nouveau.
— Puis-je au moins recruter quelques bons vétérans pour être mes
sous-officiers, Seigneur ? » hasardai-je. Je savais qu’il aurait
immédiatement refusé si je n’avais ajouté : « Ce sont de vieux
soldats qui ont été mis à pied en raison de leur âge. »
Il renifla d’un air méprisant et me dit : « Si tu as besoin
de guerriers
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