Azteca
si
j’avais su de quoi il retournait et si mon corps n’avait pas été complètement
engourdi, à l’exception de cette partie bien précise. Soudain le seuil s’ouvrit
et nous poussâmes tous deux le même cri, moi, de surprise et elle, « de
douleur ou de plaisir. A mon grand étonnement et d’une façon que je ne
comprenais pas très bien, je me trouvai dans ma sœur, enveloppé, réchauffé et
étanché par elle, puis doucement caressé quand elle se mit à balancer son corps
de haut en bas et sur un rythme lent.
Je fus envahi par une impression qui se diffusa de mon tepuli
chaudement enfermé et doucement caressé, à mon être tout entier. La brume de
perles d’eau qui entourait ma sœur sembla s’illuminer et s’étendre jusqu’à moi.
Non seulement, ma sœur avait pris possession de cette petite partie de
moi-même, mais je me sentis totalement absorbé en elle, dans Tzitzitlini, dans
le tintement des clochettes. Le plaisir grandit jusqu’à la limite du
supportable, puis il culmina dans une explosion encore plus délicieuse, en
éclatement feutré pareil à celui de la fleur de coton, quand elle se fend et
laisse échapper dans le vent ses blancs duvets. Au même moment, Tzitzi expira
un long gémissement sourd et, malgré mon ignorance et la demi-inconscience de
mon délicieux délire, je sus y reconnaître un soulagement voluptueux.
Puis, elle se laissa aller mollement contre mon corps et ses longs
cheveux soyeux envahirent mon visage. Nous restâmes ainsi un moment, tous deux
haletants. Peu à peu, je pris conscience que les étranges couleurs
s’estompaient et disparaissaient et que le ciel avait cessé de tournoyer. Sans
relever la tête vers moi, ma sœur, appuyée contre ma poitrine, me demanda
timidement et doucement : « Est-ce que tu regrettes, mon frère ?
— Regretter ! » m’exclamai-je, ce qui fit envoler de
frayeur une caille qui se trouvait dans l’herbe à côté de nous.
« Alors, on pourra recommencer ? » murmura-t-elle, en ne
me regardant toujours pas.
Je réfléchis un moment. « Est-il possible de
recommencer ? » demandai-je. La question n’était pas si comiquement
stupide qu’elle paraissait ; elle était due à une ignorance
compréhensible. Mon sexe avait glissé en dehors d’elle et il était devenu
froid, humide et aussi petit qu’auparavant. J’étais excusable de penser qu’un
mâle ne pouvait peut-être faire cette expérience qu’une seule fois dans sa vie.
« Pas maintenant, bien sûr, dit Tzitzi. Les ouvriers vont revenir.
Un autre jour.
— Ayyo , tous les jours, si c’est possible ! »
Elle se mit sur les coudes et me regarda, un sourire malicieux sur les
lèvres. « La prochaine fois, je n’aurai pas besoin de tricher.
— Tricher ?
— Toutes ces couleurs, cet engourdissement, ce vertige. J’ai fait
quelque chose de très mal, frère. J’ai volé un champignon dans l’urne du temple
et je l’ai fait cuire avec tes beignets de poisson. »
Elle avait accompli une action osée et dangereuse et qui de plus était
un péché. Les petits champignons noirs s’appelaient teonanacatl, « chair
des dieux », ce qui montre bien leur prix et leur rareté. On les faisait
venir, à grands frais, d’une montagne sacrée perdue dans les terres des
Mixteca, et seuls certains prêtres et les devins professionnels avaient le
droit d’en manger dans certaines occasions, quand ils devaient faire des
prédictions. Tzitzi aurait été exécutée sur place, de façon certaine, si on
l’avait prise en train de chiper l’une de ces plantes sacrées.
« Surtout, ne recommence jamais, lui dis-je, mais pourquoi as-tu
fait une chose pareille ?
— Parce que j’avais envie de faire ce que nous avons fait et
j’avais peur que tu refuses si tu avais su clairement de quoi il
s’agissait. »
Aurais-je refusé, je me le demande. Je n’avais pas résisté alors, ni
jamais par la suite, et les expériences suivantes me parurent tout aussi
merveilleuses, même sans le secours des couleurs et du vertige.
Oui, je me suis accouplé avec ma sœur un nombre de fois incalculable,
pendant les années où je continuai à vivre à la maison – à chaque fois que nous
le pouvions – pendant la pause du déjeuner à la carrière, sur les rives
désertes du lac et même deux ou trois fois chez nous, quand nos parents étaient
absents et que nous étions sûrs d’avoir assez de temps. Nous nous apprîmes
mutuellement à être moins
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