Azteca
Alvarado, de Malintzin et de plusieurs soldats en
armes. Il bouscula les intendants et pénétra sans cérémonie dans la salle du
trône. Avec une indignation feinte ou sincère, Cortés lui fit le récit de
l’incident en le modifiant quelque peu. Il lui dit que des bandits mexica
déchaînés avait attaqué, sans aucune provocation, ses hommes qui vivaient
paisiblement sur la plage et qu’ils les avaient massacrés, ce qui constituait
un manquement grave à l’amitié que Motecuzoma lui avait promise. Il voulait
savoir quelles étaient les intentions de l’Orateur Vénéré.
Motecuzoma était au courant de la présence de son collecteur dans la
région, aussi dut-il supposer qu’il s’était livré à une escarmouche contre les
Blancs. Cependant rien ne l’obligeait à tant se hâter pour apaiser
Cortés ; il aurait pu temporiser assez longtemps pour que la situation se
décante et la vérité c’était que la seule et unique colonie des Blancs s’était
rendue à Cuauhpopoca et que leur allié le plus fidèle, le Seigneur Patzinca, se
terrait dans son palais, prisonnier des Mexica. Pendant ce temps, les Espagnols
rassemblés dans l’île de Tenochtitlán faisaient une proie facile pour
Motecuzoma ; quant aux troupes indigènes stationnées à l’extérieur, les
armées de la Triple Alliance pouvaient facilement les empêcher d’intervenir.
Grâce à Cuauhpopoca, l’Orateur Vénéré tenait les Espagnols et leurs alliés à sa
merci. Il n’avait qu’à refermer son poing et le serrer jusqu’à ce que le sang
coule entre ses doigts.
Ce n’est pas ce qu’il fit. Il exprima à Cortés ses regrets et ses
condoléances. Il envoya un détachement de sa garde personnelle pour présenter
ses excuses à Zempoala et à Vera Cruz pour relever Cuauhpopoca de ses fonctions
avec l’ordre de le ramener prisonnier à Tenochtitlán avec les officiers. Qui
plus est, quand le vaillant collecteur et les quatre braves quachic de l’armée
mexica vinrent s’agenouiller devant lui, il s’enfonça mollement dans son trône,
flanqué de Cortés et Alvarado qui arboraient une expression sévère et il leur
dit :
« Vous avez outrepassé vos droits. Vous avez mis votre Orateur
Vénéré dans une situation très embarrassante et compromis l’honneur de la
nation mexica. Vous avez rompu la promesse de paix que j’avais faite à nos
honorables visiteurs. Avez-vous quelque chose à déclarer pour votre
défense ? »
Cuauhpopoca accomplit son devoir jusqu’au bout et montra qu’il était
supérieur comme homme et comme Mexica a l’être assis sur le trône auquel il
répondit respectueusement :
« Tout est de ma faute, Seigneur Orateur. J’ai agi selon ma
conscience. Personne ne peut faire plus.
— Tu m’as fait beaucoup de tort, reprit Motecuzoma d’une voix traînante.
Mais tu as blessé nos hôtes bien davantage. Par conséquent…» Et, l’Orateur
Vénéré du Monde Unique dit cette chose incroyable : « Par conséquent,
je te remets entre les mains du Capitaine Général Cortés. C’est lui qui
décidera de ton châtiment. »
Il est certain que Cortés avait déjà réfléchi à la question car il leur
infligea une peine de nature à décourager quiconque voudrait s’opposer à lui
dans l’avenir et qui allait en même temps à rencontre de toutes nos traditions
et de toutes nos croyances. Il les condamna à mort tous les cinq, mais pas à la
Mort Fleurie. Ni leur cœur, ni leur sang ne seraient sacrifiés aux dieux.
Cortés fit apporter une chaîne par ses hommes. C’était la plus grosse
que j’avais jamais vue et j’appris par la suite que c’était un morceau de
chaîne d’ancrage. A grand-peine et sans doute à la grande douleur de
Cuauhpopoca et des quatre officiers, les soldats leur passèrent les anneaux
géants autour du cou. On les amena au Cœur du Monde Unique où un grand poteau
avait été dressé… là, juste devant l’endroit où est maintenant la cathédrale et
où Monseigneur l’Evêque a fait installer le pilori pour exposer les pécheurs à
la honte publique. On attacha la chaîne autour du sommet du gros poteau, si
bien que les cinq hommes formaient un cercle, dos au pieu et retenus par le
cou. Ensuite on entassa autour de leurs pieds du bois imprégné de chapopotli et
on y mit le feu.
Un mode de châtiment si insolite, une exécution sans effusion de sang,
était pour nous une chose nouvelle, aussi, presque tout le monde vint y
assister. J’étais là,
Weitere Kostenlose Bücher