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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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camarades, chargé de garder ce dépôt à la porte. Pressés par
derrière par ceux qui les suivaient, ils se trouvèrent emportés
comme une vague jusqu'à la porte même de la galerie, d'où il était
impossible de revenir sur ses pas, quand on en aurait eu envie, à
raison de la multitude qui obstruait les passages. On dit souvent
par une expression familière, en parlant d'une grande foule, qu'on
aurait pu marcher dessus, tant elle était serrée. C'est justement
ce qui se fit : car un petit garçon qui s'était trouvé, je ne
sais comment, dans la bagarre, et qui était en grand danger d'être
étouffé, grimpa sur les épaules d'un homme près de lui, et courut
sur les chapeaux et les têtes des gens jusqu'à la rue voisine,
traversant dans sa course toute la longueur des deux escaliers et
une longue galerie. Au dehors les rangs n'étaient pas moins
épais : car un panier jeté dans la foule fut ballotté de tête
en tête, d'épaule en épaule, et, tournant comme un toton sur
lui-même, disparut au loin, sans être tombé par terre une seule
fois.
    Dans cette vaste cohue, il y avait bien par-ci
par-là quelques honnêtes fanatiques ; mais la plus grande
partie se composait de l'écume et du rebut de Londres, de gens
tarés, de bandits, encouragés par un mauvais code de lois pénales,
par de mauvais règlements dans les prisons, par une organisation de
police détestable, si bien que les membres des deux chambres du
Parlement qui n'avaient pas eu la précaution de se rendre de bonne
heure à leur poste étaient obligés de faire le coup de poing pour
pénétrer dans ces masses et se faire faire un passage.
    On arrêtait, on brisait leurs voitures, on en
arrachait les roues, on réduisait les glaces en atomes de
poussière, on enfonçait les panneaux ; les cochers, les
laquais, les maîtres, étaient enlevés de leurs sièges et roulés
dans la boue ; lords, évêques, députés, sans distinction de
personnes ou de partis, recevaient des coups de pied, des
bourrades, des bousculades, passaient de main en main par tous les
traitements les plus injurieux ; et, quand ils finissaient par
arriver à l'assemblée, c'était avec leurs habits en loques, leurs
perruques arrachées, qu'ils s'y présentaient sans voix et sans
haleine, tout couverts de la poudre qu'on avait fait tomber de
leurs cheveux sur toute leur personne, à force de les battre et de
les secouer. Il y eut un lord qui resta si longtemps dans les mains
de la populace, que les pairs en corps résolurent de faire une
sortie pour le reprendre, et se disposaient réellement à exécuter
leur dessein, lorsque heureusement il apparut au milieu d'eux tout
couvert de boue et tout meurtri de coups, à peine reconnaissable
aux yeux de ses meilleurs amis. Le bruit et le vacarme ne faisaient
que croître de moment en moment. L'air était plein de jurons, de
huées, de hurlements ; l'émeute furieuse mugissait sans cesse,
comme un monstre enragé qu'elle était, et chaque insulte nouvelle
dont elle se rendait coupable enflait encore sa furie.
    À l'intérieur, l'aspect des choses était
peut-être encore plus menaçant. Lord Georges, précédé d'un homme
qui faisait porter sur un crochet une immense pétition à travers le
couloir jusqu'à la porte de la chambre, où deux huissiers vinrent
la recevoir et la déplier sur la table disposée pour la soutenir,
était venu de bonne heure occuper sa place, avant même que le
président fit la prière. Ses partisans avaient profité de ce moment
pour remplir en même temps, comme nous avons vu, le couloir et les
avenues. Les membres n'étaient donc plus seulement arrêtés en
passant dans les rues, mais on sautait sur eux jusque dans les murs
mêmes du parlement, pendant que le tumulte, au dedans et au dehors,
couvrait la voix de ceux qui voulaient prendre la parole. Ils ne
pouvaient pas seulement délibérer sur le parti que leur conseillait
la prudence dans une pareille extrémité, ni s'animer les uns les
autres à une résistance noble et ferme. Chaque fois qu'il arrivait
un membre, les habits en désordre et les cheveux épars, cherchant à
percer, à son corps défendant, la foule du couloir, on était sûr
d'entendre pousser un cri de triomphe, et, au moment où la porte de
la chambre entr'ouverte avec précaution pour le faire entrer,
laissait jeter à la foule un regard rapide sur l'intérieur, ils en
devenaient plus sauvages et plus farouches, comme des bêtes fauves
qui ont vu leur proie, et ils

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