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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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déploiement inusité de force
militaire dans les rues, et, par humanité d'ailleurs, il désirait
donner le moins de tentation possible à la foule d'essayer quelque
rébellion pour arracher le prisonnier de ses mains : car il
savait bien que cela ne manquerait pas d'amener une effusion de
sang fatale, et que, si les autorités civiles qui l'accompagnaient
l'autorisaient à faire tirer ses soldats, la première décharge
ferait tomber sur la place un grand nombre d'oisifs innocents,
victimes de leur sotte curiosité. Il fit donc marcher sa troupe au
pas accéléré, évitant avec une prudence louable les rues populeuses
et les carrefours, prenant de préférence le chemin qu'il croyait le
moins infesté par les partisans du désordre. Grâce à ces sages
précautions, non seulement ils purent retourner dans leurs
quartiers sans embarras, mais ils déjouèrent complètement les
projets d'une bande d'insurgés qui s'étaient rassemblés dans une
grande rue qu'on s'attendait à leur voir prendre, et qui restèrent
encore à les attendre, pour délivrer le prisonnier, longtemps après
qu'ils l'avaient déjà déposé en lieu de sûreté, avaient fermé les
portes de la caserne, et doublé les postes de chacune d'elles pour
mieux en assurer la défense.
    Une fois là, le pauvre Barnabé fut coffré dans
une chambre carrelée, où il n'y avait qu'une odeur empestée de
tabac, un air lourd et épais, avec un grand lit de camp pour vingt
hommes au moins. Quelques soldats à moitié déshabillés flânaient
par là, ou mangeaient à la gamelle. On voyait des uniformes pendus
à des rangées de portemanteaux le long du mur blanchi à la chaux,
et une demi-douzaine d'hommes couchés sur le dos, dormant et
ronflant de concert comme des bienheureux. Il avait à peine eu le
temps de faire toutes ces remarques, lorsqu'on le tira de là pour
l'emmener, à travers le champ de parade, dans une autre partie du
bâtiment.
    Dans une pareille situation, un coup d'œil
suffit pour vous faire voir bien des choses, qui vous prendraient
bien plus de temps dans un moment moins critique. Il y a cent à
parier contre un que, si Barnabé avait flâné en pleine liberté à la
porte, il serait sorti de là avec une idée très imparfaite des
localités, et qu'il ne s'en serait guère souvenu plus tard. Mais,
avec les mains serrées dans les menottes, en traversant le préau
sablé des exercices du régiment, il ne laissa rien passer. L'aspect
sec et aride de cette place poudreuse, et du bâtiment de briques
dans toute sa nudité ; les habits pendus ça et là à quelques
fenêtres ; les hommes en bras de chemises et en bretelles se
balançant à quelques autres, la moitié du corps en avant ; les
jalousies vertes dans le quartier des officiers, avec quelques
arbustes chétifs sur le devant ; les tambours étudiant dans
une cour éloignée ; les hommes à l'exercice ; les deux
soldats qui, tout en portant à eux deux le panier de provisions, se
regardent du coin de l'œil, en voyant passer Barnabé, et font un
geste de la main en travers de la jugulaire sans rien dire, triste
augure pour le prisonnier ; le joli sergent qui se dandine, sa
canne à la main et sous son bras un registre à fermoir, recouvert
de parchemin ; les lascars, au rez-de-chaussée, occupés à
brosser et à astiquer différents articles de toilette, qui
s'arrêtent pour le regarder et se parlent tous ensemble, faisant
retentir de leurs voix bruyantes les échos des longs corridors et
des sonores galeries ; tout, jusqu'au râtelier d'armes devant
le poste, et au tambour attaché dans un coin à son ceinturon
blanchi à la terre de pipe, se grave dans son esprit, comme s'il
avait passé par là plus de cent fois, ou qu'il fût resté un jour
entier avec eux, au lieu de cette minute d'observations faites en
courant.
    On le mena dans une petite cour pavée, sur le
derrière, et là on ouvrit une grande porte, doublée de fer, percée,
à cinq pieds du sol, de quelques trous pour laisser pénétrer l'air
et le jour. C'était le cachot, où on le mit incontinent ; puis
on ferma la porte sur lui, on plaça devant une sentinelle, et on
l'abandonna à ses réflexions.
    Ce caveau ou
trou noir
, selon
l'inscription peinte sur la porte, était très sombre, et, comme le
dernier occupant était un déserteur ivre, la place n'était pas
propre. Barnabé alla trouver à tâtons un peu de paille au fond, et,
regardant du côté de la porte, essaya de s'accoutumer à
l'obscurité,

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