Bataillon de marche
au bataillon de marche.
Nous nous tenions près du mur de la cantine et regardions une compagnie SS qui arrivait du camp KZ, sous le commandement d’un jeune Untersturmführer. Un chasseur d’hommes né.
Ils chassèrent donc les prisonniers sur le chemin Karacho à une allure qui coupait le souffle aux plus vigoureux. Chaque fois que l’un d’eux tombait, les SS riaient et lâchaient les chiens sur l’homme. On commanda aux détenus de se mettre face à face, et l’Untersturmführer ordonna un combat de boxe. Personne ne frappa, mais les SS s’en chargèrent.
– Refus d’obéissance ! cria l’Untersturmführer.
Plusieurs tombèrent. Les chiens les remirent sur pied.
On les chassa de nouveau sur le chemin Karacho. On commanda à certains de ramasser des gourdins et des chaînes de fer qui avaient été jetés là tout exprès.
– Passez sous les baguettes ! cria aux autres l’Untersturmführer.
Aucun de leurs camarades ne les frappa. Les SS s’en chargèrent encore. Il y eut deux morts. Ils étaient d’ailleurs presque morts au jour de leur arrivée.
LA PRISON DE TORGAU
TOUT était gris, les murs qui s’élevaient vers le ciel couvert et gris étaient gris. La porte, gardée par deux gardiens en uniformes gris, était grise. Les six barres de fer verticales et les six horizontales étaient grises. L’homme qui, menottes aux mains, se tenait là entre deux gendarmes, portait un uniforme sale et gris.
De deux doigts levés à la visière de son casque, le sergent garde-chiourme salua la garde, lorsqu’il passa avec son prisonnier la lourde porte. L’homme aux menottes regarda, anxieux, par-dessus son épaule, en entendant la porte se fermer avec fracas.
– Fini, murmura-t-il. Plus jamais je n’en sortirai, je suis un mort vivant.
– La ferme ! aboya le feldwebel ! Ici tu n’ouvres la bouche que si on t’interroge. La dernière chose qu’on te demandera, c’est si tu veux qu’on te bande les yeux.
Et le feldwebel éclata de rire. Le feldwebel Schmidt, garde-chiourme, riait toujours aux éclats. Parfois, il s’étonnait lui-même de rire aussi bruyamment. Ses camarades gardes-chiourme de la compagnie 378 (Gendarmerie de campagne de Hambourg) l’appelaient « le Rigolard ». Les hommes détenus à la prison du tribunal d exception de Hambourg, où il était de service toutes les huit semaines, l’appelaient « le Rigolard ». Tous ceux qui le connaissaient l’appelaient « le Rigolard ». Le feldwebel Schmidt ne riait jamais de ce qui amusait les gens normaux, mais aussi Schmidt n’était pas normal. En tout état de cause, pas un des gardes-chiourme de l’armée allemande n’était normal.
– Ce sont des chiens enragés, disait Alte, et le Vieux ne disait jamais rien sans être parfaitement sûr que ses mots étaient parfaitement vrais.
Le feldwebel Schmidt appuya sur la sonnette ; elle retentit au loin, à la « réception », chez le Hauptfeldwebel Dorn. Un crissement vigoureux, et l’étroite porte grise s’ouvrait automatiquement.
Les trois se glissèrent à l’intérieur. La porte se referma automatiquement.
– Heil Hitler ! aboya le feldwebel Schmidt devant le Hauptfeldwebel Dorn qui s’étalait devant sa table à écrire surchargée de papiers et de documents.
Elle était intentionnellement submergée. Il fallait que le Hauptfeldwebel Dorn parût avoir énormément de travail ; des dossiers s’empilaient avec vingt affaires à signer, et il n’y avait jamais moins de cinq affaires en train. r iout cela voulait dire qu’il travaillait fort peu, mais c’était une preuve irréfutable à montrer à l’insensé qui aurait soutenu que le Hauptfeldwebel Dora n’avait rien à foutre.
Dans le dernier tiroir de son bureau, tout à fait au fond, cachée sous un tas de « Völkischer Beobachter » que personne n’aurait eu envie de lire, il y avait une bouteille vert foncé étiquetée « colle ». Le contenu du flacon était du cognac qui revigorait Dorn lorsque, par hasard, il travaillait. Dorn ne répondit pas au salut du feldwebel Schmidt. Pendant dix minutes, il demeura assis et fit semblant d’être plongé dans une affaire. En réalité, il s’agissait d’une histoire pornographique tapée à la machine sur du papier spécial nommé papier gekados (secret).
Le feldwebel Schmidt gratta du pied pour rappeler sa présence.
– Silence ! hurla Dorn. Vous ne voyez donc pas que je suis occupé ?
Le seul bruit que l’on
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