Bataillon de marche
qu’Else avait apprécié. Alors il était devenu plus hardi. Sous sa jupe très étroite, elle avait des culottes à élastique, mais il était soldat et habitué à faire fi des obstacles. Elle avait murmuré : « Un officier ne fait pas ces choses-là. » Comment diable faisaient donc les officiers ? On ne leur avait rien appris là-dessus à l’Ecole militaire.
– Alors, que doit faire un officier ?
– Il attend d’être marié, avait-elle répondu.
– Marions-nous. Tu peux te considérer comme ma femme à partir du moment où nous aurons été l’un à l’autre.
Elle s’était jetée contre lui :
– Heinz ! Mon amour.
Ils s’étaient embrassés longuement comme le décrivait Henry Miller dans le fameux livre, puis tout à coup, elle l’avait repoussé avec un regard dément.
– Tu ne m’épouses tout de même pas parce que tu as envie de ça ? Je déteste cette cochonnerie. Je viens de faire enfermer une de mes filles B. D. M. parce qu’elle avait des rapports avec un homme.
Il l’avait assurée que tout ça ne l’intéressait aucunement, et finalement ils ne firent rien ce soir-là.
Elle lui avait demandé s’il resterait dans l’armée après la victoire, et il le lui avait promis. Il mourrait dans l’armée comme général. Général d’artillerie. Mais elle préférait de beaucoup le voir dans les SS. Malheureusement, il n’avait que 1 m 78. Trop petit pour faire partie des gardes d’Adolf. Cependant il pourrait essayer d’entrer dans le régiment d’artillerie de la division SS. « Der Führer », un élégant régiment. Sinon la garde personnelle, mais tout de même la garde. Il pouvait aussi choisir la division « Tête de Mort » SS. On avait de grandes chances d’avancement rapide dans cette division à qui incombait la surveillance des camps. Car il y aurait du travail dans les camps KZ après la victoire. Des « masses de barbares et d’êtres répugnants à faire disparaître. Le Führer avait dit que toute tache sur la beauté de d’humanité devait être effacée impitoyablement..
Ce jour-là, il avait été à la direction SS pour faire une demande de mutation, et le soir, il se retrouvait chez Else.
Comment tout cela avait-il pu se passer ? C’était si lointain, si incompréhensible, ils étaient tellement heureux ensemble. Les brutes de la Kripo ne voulaient pas admettre qu’il ne se souvenait de rien. On l’avait battu et menacé d’une promenade en voiture sans qu’il comprît ce qu’ils entendaient par là. Rien de bon, sûrement ! Ils riaient si méchamment en le disant.
– Vous êtes une bête perverse, cria le lieutenant de la « Secrète », un bouc lubrique.
– Tu as dû en tuer d’autres, chien ! hurla l’inspecteur en chef de la Kripo qui l’avait frappé deux fois avec une règle.
– Parle-nous des autres que tu as tuées. Alors on fera quelque chose pour toi. Ton affaire sera jugée à Hambourg et non à Berlin. Ici, nous sommes de braves gens, à Berlin le mot « brave » est considéré comme du sabotage.
On l’avait jeté dans tous les coins de la pièce : des coups de pied dans le ventre lui faisaient vomir du sang ; ces hommes étaient des déments. On avait exigé qu’il léchât ce sang, et bien d’autres choses qu’il fit. Il avait oublié qu’il était un officier. Le chef de la Gestapo, Paul Bielert, surnommé « le beau Paul », était venu et l’avait regardé sans ouvrir la bouche, puis il avait pris la porte. Les trois hommes qui l’interrogeaient devinrent plus pressants. Comme s’ils avaient peur. Il découvrit que, malgré leur arrogance, ce n’étaient que de petits subalternes. Le lieutenant Heinz Berner fut mis en détention préventive et les surveillants s’occupèrent de lui. On lui avait cassé deux doigts, un à chaque main, en choisissant le médius, celui qui faisait tellement mal jusqu’en haut de l’épaule, et on pouvait le casser en trois endroits. Ils s’étaient servis du canon d’un fusil mitrailleur, et ce fut fait tout doucement tandis qu’ils chantaient :
Au petit matin quand le coq chante…
Jamais plus il ne pourrait entendre ce chant. Le médecin qui l’arait examiné avait ri de tout son cœur.
– Seigneur ! Encore un -qui est tombé ! Ces couloirs sont trop glissants.
Et il lui avait conseillé de faire bien attention. Mais en sortant, ses derniers mots avaient été :
– Tu verras, quand on te fera la barbe, toute la
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