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Bataillon de marche

Bataillon de marche

Titel: Bataillon de marche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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des B. D. M ; Nous y danserons ensemble une valse viennoise… Else !
    Son cri devint un bégaiement.
    Lentement, il se rendit compte qu’elle était morte. Plus jamais il n’y aurait de valse viennoise. Il voulut lui caresser le visage, mais la peur le broyait de son étreinte. Il demeurait là, paralysé, la bouche ouverte.
    Il s’enfuit, sans ceinturon ni casquette, courant, couvert de sang, à travers Eppendorf Baum dans la direction de Dammtor. Quatre gendarmes, dans une petite DKW grise, s’arrêtèrent et lui demandèrent ses papiers. On lui posa des questions calmes et réfléchies. Il répondait seulement :
    – Else est morte. Elle est morte. Ce n’était pas de ma faute.
    Et il fixait, hypnotisé, la plaque en demi-lune qui brillait sur la poitrine des gendarmes. Le chef de la patrouille, un Oberfeldwebel, hocha la tête et se tapota le front.
    – Cinglé ! dit-il aux autres.
    On le poussa dans la voiture qui cahota vers le quartier de la police de l’armée. Toute la nuit, on le laissa sur un banc à attendre. La seule chose qu’on avait tirée de lui était l’adresse d’Else. Fatigué à mourir, il regardait les gendarmes qui allaient et venaient, paraissant l’avoir oublié. On amenait toute espèce de gens ; quelques-uns se débattaient, criaient désespérément, d’autres semblaient hébétés. Ce ne fut que dans l’après-midi du lendemain qu’ils vinrent le chercher : deux jeunes types en civil dans de longues capotes de cuir gris. C’était la police secrète de l’armée ; leurs visages étaient durs, sans expression, des visages de pierre.
    – Eh bien, mon lieutenant, dit l’un d’eux, il vaut mieux nous accompagner pour que nous puissions parler des bizarreries de l’existence.
    Ils lui mirent les menottes, celles que l’on peut rétrécir à volonté pour qu’elles pénètrent dans la chair, et ils les firent toutes petites. Dans la voiture, l’un d’eux demanda au lieutenant s’il s’intéressait à la philosophie et, sans attendre la réponse, il enchaîna :
    – La philosophie, c’est très important, et c’est de cela en somme qu’il s’agit. Vous avez fait des études, mon lieutenant ? (Il eut un rire glacial.) Je ne peux pas souffrir les gens qui ont fait des études. J’aime les primaires. Beaucoup de ces plumitifs ne savent que se trémousser, le cul à l’air, et la plupart du temps, ils sont lâches malgré toute leur science. Il ne me faut en général guère plus de trois heures pour mettre à table un plumitif. Avec les primaires c’est autre chose. J’en ai eu un à qui il a fallu casser pas mal d’os ; je l’ai travaillé dix-sept jours, et puis il est mort. Il n’a rien avoué. Gustav ? dit-il au chauffeur, tu n’es pas de mon avis ? Les primaires sont bien plus courageux.
    Gustav resta muet, mais acquiesça de la tête.
    – Un major est passé chez nous il y a une quinzaine ; il était docteur en ceci, docteur en cela, et il a fondu comme de la gelée en vingt minutes. La seule chose dont je me sois servi était un cigare. Je n’avais qu’à approcher la braise de ses narines pour qu’il se mette à table ; c’est comme ça que vous êtes, vous autres qui étudiez, et vous, lieutenant, vous allez tout raconter. Moi j’ai aussi une philosophie, mais pas celle de votre Université pourrie. Je ne suis qu’un primaire. (Il se laissa aller contre les coussins avec un regard de fanatique.) Mais c’est sur nous autres, les gens simples, que se construit l’Etat, c’est nous qui arrachons la mauvaise graine humaine. Quand nous aurons bavardé là-haut dans la R. S. H. A. (Direction général delà Sécurité du Reich), vous trouverez naturel d’être liquidé. Vous découvrirez la non-importance des gens qui ont fait des études.
    Ils étaient déjà sous le portail de la Karl Munck Platz. Son interrogatoire fut long et douloureux. Il avoua tout ce qu’on voulut.
    Dans le couloir de la prison, un bruit infernal le tira soudain de ses pensées. De lourdes bottes cloutées couraient sur la passerelle de traverse. Quelqu’un jurait, mais les mots orduriers étaient si courants dans l’armée que personne n’y prêtait attention.
    Peut-être allait-on en chercher un pour son dernier voyage, pensa le lieutenant en palpant la sonnette. Seraient-ils furieux s’il sonnait pour demander ce qui se passait ? Il préféra ne pas sonner et se remit à faire les cent pas. Dans le couloir, le bruit s’éteignit ; les

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