Bataillon de marche
d’une voix soudain apprivoisée.
Les hommes s’esclaffèrent comme si la question était d’une drôlerie insoupçonnée. Katz renifla.
– Tu es rapide ! Par Dachau, que tu es rapide. Tu auras une belle et longue vie, si tu restes en vie naturellement ! Maintenant nous avons à voir quelques petites choses ensemble.
– Vous êtes de la Gestapo ? répéta Dorn.
– Tu y es, dit Schröder. Katz et moi sommes du R. S. H. A. 4-2A et nous voudrions causer un peu avec toi. Tu es un grand homme qui a mis sur pied le plus grand problème criminel de l’heure, la vague d’assassinats dans la prison militaire de Torgau.
Il cracha de nouveau par terre.
Dorn le regarda avec reproche et pensa : « Ce n’est pas un homme bien élevé. Mon plancher ! Quelle horreur ! »
Katz leva un doigt : – Appelle ton frénétique pour qu’on puisse causer en paix de la façon dont on étrangle les gens ici.
– C’est avec l’assassin que vous voulez parler ? murmura Dorn fort inquiet en tripotant un crayon.
– Tout juste, grimaça Katz. Même si ta compagnie nous amuse énormément, ce n’est pas seulement pour toi qu’on a fait un si long voyage.
Le Hauptfeldwebel essuya de sa manche la sueur de son front et sentit que ses intestins manifestaient leur propre inquiétude. « Il va y avoir du grabuge », pensa-t-il.
– C’est impossible, articula-t-il avec peine.
– Qu’est-ce qui est impossible ?
– Vous ne pouvez voir le criminel. Il a été fusillé ce matin. – Dorn fit un geste de la main. – Fusillé et enterré. Tout est terminé.
Schröder se leva doucement de la chaise où il s’était laissé tomber.
– Mon garçon, dans ce genre d’affaire je ne supporte pas la plaisanterie. Tu nous racontes que tu as fait fusiller le meurtrier, donc tu as saboté notre enquête concernant un crime contre l’Etat, et en même temps enfreint le paragraphe 1019 du Code criminel. Sais-tu ce que ça veut dire ? Que nous serons obligés de te faire pendre au crochet de boucherie de Plotenzee !
Dorn suait à grosses gouttes.
– Je n’ai donné aucun ordre, ça ne me regarde pas. Je prépare seulement les papiers.
– Exactement. Tu prépares les papiers. – Il saisit le bouton de la tunique de Dorn et le fit tourner entre ses doigts. – Tu seras pendu au crochet si tu ne peux pas nous procurer le criminel. Débrouille-toi.
– Tu as dû signer au moins à vingt endroits, hein, SheiHock Holmes ? Une masse de conneries. Tu as écrit, tu as éclairci, tu as découvert, tu as obtenu les aveux, lais maintenant tu vas me trouver en vitesse le fumier qui a étranglé le gardien de la prison. Nous devons emmener un assassin, peu importe quel assassin, mets-toi ça dans la cervelle.
Dorn ouvrait et fermait la bouche. Son cerveau refusait de fonctionner. Perdu ! pensa-t-il. Bataillon de marche, direction est. Que le diable emporte cette punaise de Jern Gustav, un incapable qui ne causait, vivant ou mort, que des ennuis. Toutefois, il changea de couleur en se souvenant que lui-même avait demandé que Jern Gustav fût nommé à la compagnie. Un beau coup ! C’était au bataillon de marche qu’il fallait envoyer le Jern Gustav ! Mais maintenant c’en était assez, on allait voir comment se conduisait un vrai Hauptfeldwebel. Finie la familiarité et la compréhension envers les subordonnés. Et même les supérieurs. Il ne se laisserait plus avoir. Il serait dur, dur comme l’acier de Krupp. Dorn hochait la tête sans s’en rendre compte, sa résolution était prise.
Schröder s’approcha comme un fauve sûr de sa proie et montra le sous-officier d’un doigt qui n’était pas tout à fait propre.
– Maintenant, il va falloir que tu te magnes le train ! On n’a plus le temps d’attendre. On est ici pour nettoyer cette porcherie. Toi, ton compte est réglé. Il y a une cellule toute prête pour ton fumier de commandant, et ton ridicule chef de section en a une autre à sa disposition.
Katz rit aux éclats et Schröder en fit autant, mais Dora avait la mâchoire pendante. Soudain, ils cessèrent de rire et devinrent de glace.
– Assieds-toi là, ordonna Katz en montrant un tabouret au milieu de la pièce. – Un tabouret de simple soldat ! Dorn ne s’était pas assis là-dessus depuis dix-huit années. – Tu es arrêté, dit le policier d’un ton bref.
Dora sentit son cœur cesser de battre. Il se voyait prisonnier à Glatz, lavant les planchers et faisant
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