Bataillon de marche
désire, Schröder ?
– Peut-être bavarder un moment avec cet homme-là, ricana le nommé Schröder.
– As-tu quelque chose à boire, Hauptfeldwebel ?
Dorn ahuri regardait les deux hommes. Quelque chose le rendait très mal à l’aise mais il ne voulait pas capituler. Sa conscience était irréprochable même s’il avait devant lui des hommes des ténèbres. Ça c’en était, il l’avait tout de suite senti. Il se leva lentement, s’appuya au mur et ferma à demi les yeux.
– Ici nous n’avons que de l’eau mais à la cantine vous pourrez trouver de la bière.
– Amiral d’eau douce, dit Schröder en souriant. En tout cas plus de pieds sur la table, ce matériel appartient au Führer.
– Mais qu’est-ce qui vous prend à la fin, cria Dorn excédé. Qu’est-ce que des civils ont à voir ici ?
Les deux civils se sourirent mutuellement.
– C’est un rigolo, hein Katz ? Il est gras et bête à pleurer.
Dorn n’y tint plus. Il se redressa, changea de couleur, avala sa salive et jura. Par Satan et par le diable ! Il engueula, cria, menaça de poteau, de prison, de bataillon de marche et de toutes les plaies du pays. Enfin, il s’arrêta pour respirer et découvrit qu’il n’avait fait aucune impression sur les deux civils. Ils riaient gaiement, attentifs à son accès de rage.
– Tu fumes de bien beaux cigares, dit Schröder en désignant un des cigares du major que Dorn tenait entre deux doigts. Amène-z-en un, mais vite, chef !
– Mon oeil ! cria Dorn. En voilà assez !
Il appuya sur la sonnette d’alarme pour appeler la garde.
– L’animal appelle la garde du roi, dit Katz en riant. Et tout cela parce qu’on veut un cigare. Gros plein de soupe, nous avons besoin d’une table, d’une machine à écrire, de trois chaises, de deux lampes de 500 watts. Il nous faut aussi trois durs, mais idiots, qui ne comprennent rien. C’est à toi de les fournir. Et puis nous aurons besoin d’un très, très dur qui étrangle les gens en prison.
Dorn n’en croyait pas ses oreilles :
– Qu’est-ce qu’il vous faut ? bégaya-t-il.
– Complètement idiot, gronda Schröder, j’avais bien dit qu’il était idiot.
Ils furent interrompus par la garde qui entra sous la conduite d’un sous-officier.
– Voilà ta garde, dit Katz sans se retourner. A qui penses-tu ?
– Voyons un peu ce que tu sais faire, chef ! ricana Schröder.
Dorn avala une ou deux fois, puis il plissa ses paupières et hurla :
– Filez, têtes de brutes ! Hors d’ici, ou vous aurez affaire à moi !
Une protestation vint du sous-officier qui murmura le mot « alarme ».
– Crétins ! cria Dorn en évoquant naturellement le bataillon de marche.
La garde disparut, très sûre que le Hauptfeldwebel Dorn était devenu fou.
– Bien, dit Katz. Maintenant il va falloir s’exciter un peu.
– Mais où donc croyez-vous être ? mugit Dorn en avançant sa tête de taureau.
Katz ne répondit pas. Il avait sorti de sa poche une liasse de papiers qu’il étala sur la table.
– Nous savons très bien où nous sommes, n’est-ce pas, Schröder ? Qu’est-ce qu’on va en faire ?
– Vous n’avez rien à faire avec moi, commença Dorn qui n’en était pas si certain.
Il commençait à avoir peur, à craindre même le pire. Ces propos devenaient bizarres.
– Peut-être qu’on va t’emmener et qu’on te fera luire les fesses au point d’y cuire des œufs. D’où crois-tu que nous venons ?
– Il est trop bête pour « le deviner. Avoue que tu es un crétin.
– Si vous ne disparaissez pas, gronda Dorn à bout de patience, j’appelle le commandant et on verra la gueule que vous ferez !
Les deux hommes éclatèrent de rire.
– On l’emmerde ton commandant ! Il n’a aucune envie de faire notre connaissance, son cul en cuirait comme le tien.
Katz fit le tour de la table et s’assit sur le siège de Dorn.
– Nous aurons besoin de cette chaise-là, panjemajo ? Ce tarzan gras à lard se vautre dans un fauteuil d’officier sans en avoir le droit.
– On sait que c’est un crétin, dit Schröder en crachant sur le sol.
Ces manières rendirent Dora furieux mais il se garda de protester. Il venait de remarquer que les vestes de cuir des visiteurs se gonflaient sous le bras gauche. Des étuis d’épaule, pensa-t-il. Deux mauvais gars. De gros revolvers. Il commençait à deviner l’identité de ses hôtes.
– Etes-vous de la Stapo ? demanda-t-il
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