Bataillon de marche
comme ça que ça doit être : discipline de fer. – En souriant, le général tendit son porte-cigarettes en or à son subordonné. – Servez-vous, Walther, de vraies cigarettes américaines envoyées par la Croix-Rouge. – Il rit gaiement. – Ils devraient le savoir à Washington que nous sommes en train de les fumer ! Sains être voyant, je pourrais affirmer qu’ils riraient Jaune.
– Merci, mon général, gazouilla l’officier d’état-major.
Ils se placèrent près de la fenêtre et regardèrent une compagnie de recrues de cavalerie qui remontaient l’allée en chantant.
– Beaux types, murmura le général, vraie jeunesse allemande. Avec un tel matériel, nous irons loin.
– Oui, mon général. J’ai justement assisté à des exercices hier. Un enthousiasme 1 Je puis vous assurer qu’ils sont tous prêts à mourir pour le Führer. Merveilleuse idée que cette Hitler Jugend comme prélude à la formation militaire.
Le général sourit et souffla de contentement un gros nuage de fumée.
– Avez-vous été dernièrement chez les tziganes, Walther ?
– Pas plus tard qu’hier soir, mon général.
Von Grabach hennit de satisfaction.
– Quelque chose d’intéressant, vous qui êtes connaisseur ? – Il cligna d’un œil et fit la moue.
L’officier claqua des talons :
– Plusieurs dames, et quelques-unes consentantes… – Il eut un geste fatigué.
Le général renifla :
– Des femmes mariées ?
– La plupart étaient mariées et leurs époux au front ou en occupation. De belles juments vives et bien dressées ! – Il éclata de rire à sa propre remarque.
– On voit que vous êtes cavalier, fit le général aux anges. Et de la bonne école. Vous ne connaîtriez pas par hasard un pur-sang du nom d’Ebba von Stirlitz ? continua-t-il d’un air indifférent.
Il y avait pourtant dans la voix quelque chose que l’officier perçut tout de suite. Il feignit de bien réfléchir.
– Ebba von Stirlitz ? répéta-t-il. Je n’en ai jamais entendu parler. Vient-elle chez les tziganes ?
– Je ne crois pas, répondit brièvement le général. Je voulais simplement savoir si vous la connaissiez. – Il eut un rire confidentiel. – Un de mes amis en pince pour elle, vous comprenez.
Le rire fut partagé mais d’une façon discrète. L’officier regardait son chef de biais. Le prenait-on pour un imbécile ? Deux mois auparavant, lui-même et la dame prenaient part à une festivité à la romaine et elle avait passé entre des bras d’une dizaine d’hommes.
D’un signe de la main, le général congédia son subordonné. Il se réjouissait d’avance de la nuit et, en pensée, déshabilla Ebba. Il saisit le premier document sur sa table de travail, le feuilleta sans le lire, le rejeta avec indifférence, prit le téléphone et composa un numéro. Une voix de femme répondit.
– Ebba chérie, c’est Claude. Je me réjouis de notre soirée. – Un baiser voyagea le long du fil.
La dame rit gaiement :
– Souviens-toi que tu m’as promis une fourrure !
– Je m’en souviens, tu l’auras.
Pendant trois jours, les deux recours en grâce restèrent sans que l’on y touchât sur le bureau du général. Bien des gens, et pas seulement à Torgau, attendaient, le cœur déchiré, le résultat de leur dernier espoir. Ces recours en grâce, que de visites, que de voyages ils avaient coûté ! On avait pleuré, corrompu, supplié, l’espoir était né lentement jusqu’à devenir une certitude. Une sœur du lieutenant d’artillerie était devenue la maîtresse d’un membre du conseil de guerre pour obtenir une recommandation. Un tapis d’Orient précieux et des bijoux changèrent de mains dans un bureau officiel. La femme du feldwebel d’infanterie avait pris un travail supplémentaire dans une fabrique de munitions pour gagner l’argent d’un voyage de Hambourg à Munich, le seul endroit où elle pouvait se procurer les certificats nécessaires à un recours en grâce..
Maintenant, dans deux cellules de la prison de Torgau et dans deux foyers à Hambourg on attendait, le cœur oppressé. On savait que les papiers se trouvaient sur le bureau d’un homme qui pouvait tuer ou gracier selon sa fantaisie. Toute peine de mort pouvait être commuée, le général seul décidait.
Mais, pour l’instant, le général n’avait pas line minute à distraire de son temps. Une pancarte blanche à lettres rouges était accrochée à sa porte : « Occupé
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