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Ben-Hur

Ben-Hur

Titel: Ben-Hur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lewis Wallace
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celle de dessous. Ces marches étaient séparées l’une de l’autre par un espace suffisant pour permettre à chaque rameur de faire manœuvrer son aviron, en réglant sur ceux de ses voisins ses mouvements, cadencés comme les pas des soldats. On pouvait multiplier ces bancs autant que le permettait la longueur du bateau. Les rameurs s’asseyaient sur les deux rangées inférieures, ceux qui occupaient la dernière devaient se tenir debout   ; ils maniaient des rames plus grandes que celles de leurs compagnons.
    Ces rames, plombées à leur extrémité, passaient dans des courroies suspendues au plafond, ce qui les rendait plus faciles à manier   ; cependant il fallait de l’habileté pour s’en servir, car à chaque moment une vague pouvait atteindre le rameur inattentif et le précipiter à bas de son banc. Les ouvertures pratiquées dans les parois pour laisser passer les rames donnaient de l’air aux travailleurs, et la lumière parvenait au travers du grillage, qui servait de plancher entre le pont et le bastingage du bateau. En un certain sens, la condition de ces hommes aurait pu être pire   : pourtant il n’y avait place dans leur vie pour aucune joie. Il leur était défendu de communiquer les uns avec les autres   : ils venaient, jour après jour, reprendre leurs places côte à côte, sans échanger une parole. Durant leurs heures de travail, ils ne voyaient pas les visages de leurs camarades et leurs courts moments de repos se passaient à dormir et à avaler hâtivement quelque nourriture. Ils ne riaient jamais et nul n’entendait l’un d’entre eux chanter. L’existence de ces êtres misérables ressemblait au cours d’un fleuve souterrain, coulant lentement, mais sans trêve, vers un but inconnu.
    Ô fils de Marie   ! si l’épée a maintenant un cœur, c’est à toi qu’en revient la gloire, mais à cette époque lointaine, les captifs n’avaient à attendre que des corvées. Les routes, les mines, les remparts se les disputaient et les galères de guerre, ou celles des marchands étaient insatiables dans leurs demandes. Lorsque Rome gagna sa première bataille navale, des Romains tenaient les rames et partagèrent avec les soldats les honneurs de la journée, mais les temps avaient marché et les rangées de bancs qu’Arrius contemplait témoignaient des conquêtes de sa patrie. La plupart des nations de la terre comptaient des fils parmi ces hommes, qui étaient presque tous des prisonniers de guerre, mis à part pour cet emploi à cause de leur force de résistance et de la robuste qualité de leurs muscles. Là se trouvait un Breton ayant devant lui un Libyen et derrière lui un natif de la Crimée, ailleurs un Scythe, un Gaulois et un Thébain. Des criminels romains se trouvaient mélangés à des Goths et à des Lombards, à des Juifs, des Éthiopiens, des Athéniens, à des Cimbres ou des Teutons.
    Le travail auquel ils se livraient ne suffisait pas à occuper leur intelligence, si primitive et rudimentaire fût-elle, car il ne consistait qu’en mouvements des bras d’autant plus parfaits qu’ils étaient plus automatiques. Le souci même que leur causait la mer devenait peu à peu, pour eux, une chose instinctive plutôt que réfléchie, et leur service finissait presque toujours par les abrutir et faire d’eux des êtres passifs, ne vivant que de quelques souvenirs confus et doux, et tombant en dernier lieu dans un état à demi conscient, où la souffrance devient une habitude et où l’âme est parvenue à un degré incroyable d’endurance.
    Les heures passaient, et le tribun, toujours assis dans son fauteuil, laissait ses yeux errer à droite et à gauche, sur les rangs des rameurs en pensant à toute autre chose qu’à leur misérable condition. Après avoir observé longtemps leurs mouvements, il s’amusa à les considérer individuellement, prenant note de ceux qui lui paraissaient insuffisants pour leur tâche et se disant qu’il trouverait, parmi les pirates, des hommes pour les remplacer avantageusement.
    Il n’y avait aucune raison de conserver les noms des esclaves, pour lesquels une galère représentait la tombe, aussi les désignait-on simplement par des numéros inscrits sur les bancs. Les yeux du tribun tombèrent sur le numéro soixante, placé tout près de lui et ils s’y arrêtèrent.
    Ce numéro soixante, comme tous ses compagnons, était nu jusqu’à la ceinture. Il était jeune   ; tout au plus semblait-il avoir vingt ans. Cette

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