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Berlin 36

Berlin 36

Titel: Berlin 36 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alexandre Najjar
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New York pour t’informer qu’il t’a arrangé une course contre Julio Mc Caw.
    — Julio Mc Caw ?
    Jesse fronça les sourcils. Il ne connaissait aucun athlète portant ce nom. Il rendit Marlene à sa mère et se leva pour prendre la communication. Au bout d’un quart d’heure, il revint sur ses pas.
    — Alors ? lui demanda Ruth, enthousiaste. Tu as accepté ? Est-ce bien payé ?
    Son mari demeura un moment pensif. Puis, se décidant, il répondit d’un air affligé :
    — Ils veulent me faire courir contre un cheval, c’est ridicule !
    — Mais Julio Mc Caw ? protesta Ruth, outrée. Il a parlé d’un certain Julio Mc Caw, je ne suis pas sourde !
    Jesse poussa un soupir de lassitude.
    — C’est le nom du cheval.

6
    Où l’on assiste à la revanche de Joe Louis
    Le Yankee Stadium était comble en ce 22 juin 1938. Soixante-dix mille spectateurs s’y pressaient pour assister au match de la revanche opposant Joe Louis à Max Schmeling. Pour Joe, l’affaire était personnelle : « Ne m’appelez champion que lorsque j’aurai vaincu Schmeling », répétait-il aux journalistes. Bien qu’il ait été sacré champion du monde pour avoir battu James Braddock en 1937, il avait une revanche à prendre. Jesse Owens qui, pour rien au monde, n’aurait manqué ce match, gagna les vestiaires pour encourager son compatriote.
    — Comment te sens-tu, champ  ? lui demanda-t-il en lui donnant une tape dans le dos.
    — J’ai peur, répliqua le boxeur.
    — Peur, toi ?
    — Oui, Jesse. J’ai peur de le tuer !
    Mal rasé, les cheveux ramenés en arrière, Max Schmeling sortit des vestiaires et, escorté de policiers, se dirigea vers le ring. Il fut accueilli par des sifflets et des jets de projectiles : peaux de bananes, paquets de cigarettes, canettes de soda. Jesse Owens grimaça : il n’appréciait pas ce genre de comportement qui déshonorait le sport. Du reste, le boxeur allemand n’avait jamais épousé les thèses du nazisme et, malgré les pressions, avait refusé de se séparer de son manager juif.
    Joe Louis fit son entrée sous les acclamations. Il dégageait une réelle puissance et semblait gonflé à bloc, bien déterminé à faire mordre la poussière à son adversaire. Un homme trapu en habit de soirée, le mythique ring announcer Harry Balagh, commença alors les présentations :
     
    Weighing 193, wearing purple trunks, outstanding contender for heavyweight honors, the former heavyweight titleholder, Max… Schmeling 1   !
     
    La foule gronda. Se tournant vers Joe Louis, il annonça de sa voix de stentor :
     
    Weighing 198 and three-quarters, wearing black trunks, the famous Detroit Brown Bomber, world’s heavyweight champion… Joe Louis  2   !
     
    Le public applaudit. Un adolescent boutonneux, assis derrière Jesse Owens, hurla alors à pleins poumons, les mains en porte-voix :
    — Massacre ce nazi, Joe, massacre-le !
    Jesse hocha la tête. La haine à l’égard du nazisme s’était accrue depuis l’annexion de l’Autriche par Hitler et la reprise des persécutions contre les Juifs : des milliers d’Américains voyaient dans ce match le combat du Bien contre le Mal.
    — Quel est votre pronostic ? demanda-t-il à Ernest Hemingway qui était assis à ses côtés, un carnet noir en moleskine sur les genoux.
    — Joe me semble en forme, lui répondit l’écrivain. Il m’a l’air nerveux et bondissant comme un cheval de course !
    Le gong retentit. Les deux boxeurs commencèrent par s’observer. Visiblement inquiet, Max Schmeling prit d’emblée ses distances, tendant le bras gauche en avant pour éloigner son adversaire. Comme une bête furieuse, Joe Louis se jeta sur lui et se mit à le rouer de coups. Déstabilisé, Max chancela et s’accrocha aux cordes. L’arbitre intervint aussitôt et sépara les deux boxeurs en sautillant. Coriace, l’Allemand revint au milieu du ring. Mal lui en prit : il encaissa deux coups terribles. Etourdi, il tomba à la renverse, roula par terre, mais, courageusement, se releva. Joe Louis ne lui accorda aucun répit : il lui assena trois nouveaux coups qui l’envoyèrent au tapis. Max s’effondra et demeura un moment à quatre pattes, complètement sonné. Voyant que l’entraîneur de l’Allemand avait jeté sa serviette sur le ring pour réclamer la fin du combat, l’arbitre la ramassa et la lança au loin pour lui signifier qu’il n’acceptait pas ce procédé, puis il se mit à compter. Incrédule,

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