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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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pratique de l’extorsion est si bien établie qu’un récent arrêté de la Haute Cour de Bombay stipule que les sommes ainsi soutirées sont déductibles des impôts. Ce qui revient à admettre que l’extorsion est une forme de taxe. Après tout, puisqu’il existe un système judiciaire parallèle, pourquoi n’y aurait-il pas un système fiscal parallèle ? Jadis, un seul gang, celui de Dawood, tenait le haut du pavé. Aujourd’hui, la concurrence est ouverte : à partir du moment où une entreprise accède aux demandes de l’un, les autres s’alignent pour la ponctionner et elle finit par arroser quatre ou cinq chefs de bande. Ou même des voyous qui font cavalier seul et ne représentent pas une menace très sérieuse. L’échange, tacite ou non, inhérent au chantage à la protection – tu me files le blé et je te protège contre mon gang et les autres – n’est plus respecté. Aucun gang n’étant désormais en mesure de protéger quiconque de ses rivaux, le chantage à la protection s’est transformé en agression caractérisée : la bourse ou la vie.
    « L’extorsion de fonds et l’enlèvement sont l’avenir des truands », remarque Ajay. Deux activités où, en effet, l’investissement net n’excède pas une roupie, le prix d’un coup de fil. Ajay vient d’arrêter deux étudiants en maîtrise de gestion qui faisaient chanter un de leurs chargés de cours (sur l’esprit d’entreprise). « Je leur ai dit, non mais ça ne va pas, vous êtes cinglés ? et ils m’ont répondu qu’ils étaient plus malins que les autres. » L’enlèvement a lui aussi la peur pour ressort. Un des hommes de main de Dawood s’est diversifié dans le kidnapping. Il emmène ses victimes dans une planque en banlieue, leur couvre les yeux d’un bandeau et leur jette dessus des serpents vivants.
     
    En 1999, Ajay a été nommé commissaire en chef suppléant de la région Nord-Ouest, un territoire qui couvre la moitié de Bombay, de Bandra à Dahisar, mais où se commettent les trois quarts des crimes et délits de la ville. À la tête de trente et un des soixante-douze commissariats de Bombay, Ajay Lal a dix mille hommes sous ses ordres. Six officiers ayant plus d’ancienneté que lui auraient pu prétendre à ce poste, dont il a hérité en raison de l’augmentation ahurissante de la criminalité associée à l’extorsion. « Ils pensaient sans doute que j’allais résoudre tous les problèmes d’un coup de baguette magique », commente Ajay. La presse le présente comme un chevalier blanc ; étant donné la manière magistrale dont il a mené l’enquête sur les attentats à la bombe, lui seul semble en mesure de débarrasser la ville de sa pègre. Je suis curieux de voir s’il va y arriver et, par une belle soirée, je propose à mon ami Vinod, le réalisateur, de venir avec moi rendre visite à Ajay qui travaille au bout de la rue. Anu, la femme de Vinod, journaliste de télévision, décide de se joindre à nous.
    De son nouveau bureau, Ajay a une belle vue sur la mer. Au moment où nous entrons, un inspecteur accompagné de son informateur nous brûle la politesse pour présenter un rapport sur une fusillade.
    « Il y avait qui dans l’équipe qui joue le jeu des suspects ? » demande Ajay. On lui répond que les types impliqués dans le règlement de comptes « poussaient la balle depuis déjà quatre jours ». Tous deux parlent de leur affaire comme s’il s’agissait d’un match de cricket. De fait, le sentiment excitant d’appartenir à un gang n’est pas très différent de ce que ressentent les sportifs d’une même équipe. Dans les deux cas, la stratégie incombe au capitaine qui doit se montrer plus intelligent que l’adversaire, disposer les joueurs sur le terrain en tenant compte de leurs talents, en mettre certains sur le banc de touche et tester les petits nouveaux.
    L’inspecteur et l’indic s’engagent à livrer dans les six jours le cerveau de ce « match ». Ajay qui trouve le délai trop long les presse de mettre les bouchées doubles et promet à la taupe de nettoyer son dossier des éléments compromettants. Toute la soirée, les indics défilent dans le bureau pour donner à voix basse au « patron » des informations qu’il note en hochant la tête dans son gros carnet Et toute la soirée il aboie, montre les dents, menace des pires châtiments – la mutilation, la castration, la mort, l’exécution d’êtres chers –, dans cette

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