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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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aveu qui, à ses yeux, est une preuve indubitable de la duplicité des Sindhis, établis en Inde alors qu’ils vibrent pour le Pakistan. Ajay reste de marbre. À ce compte-là, des millions de personnes installées en Inde, dont le vice-Premier ministre, seraient des transfuges et des traîtres.
    « Conduisez-les dans la salle et appliquez-leur l’électricité, déclare Ajay. Quand tu sortiras de là, poursuit-il à l’adresse du gros, tu auras du mal à satisfaire ta poule. »
    L’histoire s’étoffe un peu : le gros a reçu quatre cent cinquante mille fausses roupies d’un agent pakistanais en échange de trois cent vingt-cinq mille roupies authentiques. Les deux types s’adressent à leurs tortionnaires en leur donnant du monsieur – marque de déférence que nos maîtres exigeaient de nous, à l’école, et à laquelle Vinod a droit quand il est sur un tournage. Ils ne commettent aucun écart de langage, ne traitent pas de tous les noms ces gens qui les brutalisent. Ajay n’a pas cette retenue ; pour la première fois je l’entends lâcher des obscénités : « Vous l’avez dans le cul, et on va vous l’enfoncer si profond que ça vous ressortira par la bouche. » Il doit pourtant se maîtriser. Les deux hommes ne vont pas recevoir de décharges électriques sur les parties, pas encore, du moins, pas ici, sous les yeux d’une femme.
    « Emmenez-les au parc national Sanjay Gandhi et descendez-les. Après, vous déposerez un revolver près d’un des corps, une mitraillette à côté de l’autre. On invoquera la légitime défense en disant qu’ils ont tenté de fuir dans leur bagnole. »
    Une fois qu’ils ont vidé les lieux, escortés par les policiers, nous trois qui avons assisté à la scène quittons notre place dans le fond de la pièce. Vinod pour qui ce n’était pas une première s’amuse de l’émoi d’Anu. À plusieurs reprises il lui a proposé de partir, mais elle a suivi toute la scène les yeux écarquillés, incapable de s’arracher à ce spectacle choquant. « Vous n’avez pourtant rien vu, dit Ajay. Ça, c’est du Walt Disney.
    — Maintenant ils vont dérouiller pour de bon, confirme Vinod d’un air entendu. On va les emmener ailleurs.
    — En lieu sûr », acquiesce Ajay avec un sourire.
    J’ai une petite idée de ce que peut vouloir dire « dérouiller pour de bon », grâce aux confidences de Blackeye, le jeune tueur de la Compagnie-D qui fut un jour inculpé du meurtre d’un producteur de musique. Les policiers le dépouillèrent de ses vêtements dans la salle dite « des interrogatoires » avant de l’allonger à plat ventre sur un banc étroit et de l’y attacher par les poignets. L’un d’eux enfila des gants et ouvrit un petit flacon renfermant un acide spécial : une goutte qui tombe sur la peau fait le même effet que le Destop qu’on verse dans les canalisations pour les déboucher. Les mains gantées écartèrent les fesses de Blackeye. « Ils me l’ont versé dans le trou de balle. Ils m’ont écarté les fesses et ils m’ont tout versé dans le trou de balle. » Plus d’un an s’est écoulé depuis, mais chaque fois qu’il va à la selle il perd des petits lambeaux de chair.
    Les deux faussaires n’ont pas été abattus, leurs enfants et leurs femmes n’ont pas été molestés car ils ne représentaient que du menu fretin. Contrairement à certains de ses collègues, Ajay n’est pas un sadique. Il aboie plus fort qu’il ne mord et privilégie la technique du donnant donnant : un maximum de renseignements contre un minimum de mauvais traitements. Toutefois la danseuse du bar de Mira Road, la première personne lâchée par le gros Sindhi, sera convoquée au poste cette nuit et Ajay saura trouver les arguments pour la convaincre de lui livrer d’autres noms. Les malfaiteurs, nous dit-il, donnent toujours leurs « poules » avant les autres.
    Grâce à elle, il va arrêter sept personnes, récupérer l’équivalent de soixante-dix-huit mille euros en monnaie indienne, et réussir à démanteler le cartel des faux-monnayeurs. Il découvrira en outre que le gang de Dawood est impliqué dans l’affaire, sur les instructions des Pakistanais. Le but était d’inonder le pays de billets factices. Le passage à tabac des deux suspects a permis de remonter toute la chaîne de distribution : les fausses coupures de cinq cents roupies étaient fabriquées aux environs d’Islamabad, dans une imprimerie du gouvernement

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