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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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plages d’Alibag et la police du canton était sur les dents. L’équipe chargée de perquisitionner la maison d’Haspatel saisit un cylindre suspect rangé dans une valise. Persuadés qu’il s’agissait d’une roquette, les policiers arrêtèrent sur-le-champ tous les membres de la famille et les promenèrent autour de la mosquée en demandant aux musulmans pourquoi ils avaient « nourri des serpents pareils ». Au poste, ils obligèrent Haspatel, son fils et son cousin à se déshabiller devant les femmes de la famille, et pour empêcher ces dernières de se couvrir les yeux ils les frappèrent sur les bras avec leurs matraques. Haspatel qui tentait de dissimuler son sexe derrière ses mains reçut dans le dos un violent coup de pied qui le fit tomber la tête la première sur le coin d’une table. Les policiers s’acharnèrent sur les femmes à coups de pied et de ceinture en cuir. Ils s’en prirent ensuite au fils d’Haspatel, un garçon de vingt-cinq ans, lui lièrent les bras et les jambes et l’attachèrent ainsi saucissonné à une corde tendue entre deux bureaux avant de s’amuser à lui taper dedans comme dans un ballon de foot, si fort que le corps du malheureux pivotait autour de la corde. Devant ce spectacle, Haspatel priait Dieu de lui prendre son fils. Le jeune homme faillit bien y passer ; laissé dans un état semi-comateux dont il n’émergeait que rarement, il fut saisi de convulsions au bout du sixième jour. Tous les membres de cette famille furent maintenus deux semaines en détention arbitraire.
    Un de leurs proches parents fut assez courageux pour indiquer aux policiers leur méprise. Sur ses instances, ils l’accompagnèrent dans une filature où un ingénieur leur montra plusieurs cylindres en tout point semblables à la fameuse « roquette » – en réalité des pièces de métiers à tisser. Libérés, Haspatel et les siens retrouvèrent leur logis dévasté : la police avait détruit tous les meubles et volé ce qu’elle pouvait emporter. Ils portèrent plainte, bien sûr, et il y eut une enquête, mais malgré toutes les preuves accumulées aucun de leurs tortionnaires n’a été inquiété. L’une de ces brutes incapables de distinguer une roquette d’une pièce de métier à tisser fut même mutée dans les services secrets.
    À mon retour en Inde, j’ai une conversation avec Ajay sur les faits rapportés dans « Voix ». Il me soutient que l’auteur a presque tout inventé, souligne les contradictions et les incohérences du texte. À la suite de son enquête sur les attentats, quarante-sept requêtes faisant état de tortures furent présentées en justice par des suspects qu’il avait interrogés. Elles ont toutes été rejetées.
    Qu’est-ce que je fabrique avec ce type ? Il est brutal avec les suspects qu’il interroge, je l’ai constaté de mes yeux, et pourtant j’y pense presque comme à un ami. Il me semble qu’il était sincère quand, avant mon départ pour les États-Unis, il m’a brusquement déclaré : « Tu vas nous manquer, Suketu. On s’était habitués à toi. »
    Pousse-t-il jusqu’à la torture ses méthodes musclées ? J’aimerais bien le savoir… Cela me rassurerait de penser qu’il s’acharne uniquement contre les criminels avérés, se contente de leur administrer des coups de ceinturon ou de charger ses hommes de leur appliquer la gégène ; qu’en les maltraitant ainsi il n’a pas pour dessein de les marquer à jamais, simplement de leur arracher, en l’absence de système judiciaire efficace, des renseignements indispensables pour sauver des vies, contrarier des projets d’attentat dirigés contre des innocents n’ayant aucun lien avec le gengwar. Il est évident qu’Ajay ne prend pas plaisir à torturer. Jamais je ne l’ai vu frapper quelqu’un ; cette partie-là du travail, il la laisse à ses subordonnés. Il n’appartient pas non plus à un parti politique, à un gang, à une religion ; jamais je n’ai entendu le mot Dieu, dans sa bouche.
    Javed Anand, un fervent partisan des droits de l’homme, estime qu’Ajay a poursuivi les malfrats du Shiv Sena avec une audace rare pour un policier. Et le journaliste Jyoti Punwani m’affirme que la déposition d’Ajay devant la commission Srikrishna, constituée pour enquêter sur les émeutes, avait une autre tenue que les grossiers mensonges débités par ses collègues. Même Sanjay Dutt le respecte, et parmi la population de son district il passe

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