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Borgia

Titel: Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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perdre la raison, puisque j’ai commis la lâcheté de vous insulter faussement. Je l’aime à préférer la mort à la certitude de ne pas être aimé !…
    Ragastens était devenu très pâle.
    – Vous aimez la princesse Manfredi, balbutia-t-il, mais en quoi cet amour…
    Malatesta lui saisit le bras et l’interrompit.
    – Je l’aime, murmura-t-il en étouffant un soupir, et c’est vous qu’elle aime, vous !…
    Ragastens demeura sans voix, sans force, les jambes cassées. Il voulut faire un geste pour retenir Malatesta. Mais déjà celui-ci s’était avancé vers le milieu de la salle.
    – Messieurs, dit Jean Malatesta d’une voix forte, seigneurs, mes pairs, devant vous qui avez entendu l’insulte, je fais mes excuses au chevalier de Ragastens.
    Toutes les mains se tendirent vers Malatesta. Celui-ci, causant et riant comme si rien ne se fût passé, sortit de la salle avec les autres gentilshommes du Conseil.
    Ragastens s’apprêta à les suivre. À ce moment, une main légère vint se poser sur son bras. C’était la main de Primevère.
    – Ce soir, murmura-t-elle, dans les jardins du palais, je veux vous parler…
    Ragastens s’inclina profondément, oppressé, les jambes vacillantes. Quant il se releva, il vit la princesse Manfredi qui sortait. Le comte Alma lui donnait la main. Et, près d’elle, penchant sa haute taille pour lui parler, souriant, heureux, marchait le prince Manfredi…
    – Malatesta dit qu’elle m’aime ! songea Ragastens encore pétrifié à la même place. Elle n’en est pas moins l’épouse du prince Manfredi… à jamais perdue pour moi !… Perdue !… Ah ! Malatesta s’est trompé. La jalousie l’a égaré… Elle ne m’aime pas… elle ne peut pas m’aimer… Illusion ! Folie !… Jean Malatesta a dit que l’un de nous devait mourir… Je connais maintenant celui qui mourra !…

XLII – LA DUCHESSE DE BISAGLIA
 
    Quelque quinze jours auparavant, au Palais-Riant, une magnifique soirée terminait en apothéose une de ces somptueuses journées dont la douce et radieuse Italie conserve le privilège.
    Étendue sur des tapis dans la salle aux statues, la tête appuyée sur une pile de coussins, Lucrèce Borgia rêvait, les yeux mi-clos, écoutant d’une oreille distraite un orchestre de mandolines et de flûtes.
     
    Lucrèce rêve.
    De lointaines ambitions se profilent vaguement, puis peu à peu se précisent sur l’écran de son imagination enfiévrée. Qu’est-elle dans Rome ? Rien !…
    Des fêtes ! Toujours des fêtes !… Pour qui ?… Pour elle ?… Des fêtes afin que la noblesse de Rome soit convaincue de la magnificence des Borgia… Des fêtes ! Encore des fêtes !… Voilà sa vie.
    Et, contre cet esclavage doré, contre l’anéantissement de sa volonté toute son âme s’insurge. Quoi ! Elle ne sera donc jamais qu’un instrument aux mains d’Alexandre VI et de César ?… Oh ! Commander ! Dominer ! Être la reine ! Devenir la souveraine absolue, dans un royaume qu’elle se taillerait !…
    Mais, pour réaliser le rêve fantastique, il faut un homme. Un homme !… Un mâle, un fort qui ne connaisse aucune crainte, qui se joue de tous les pièges, dont l’audace et la ruse soient plus puissantes que la puissance même des Borgia !
    Elle le connaît, cet homme ! Il existe ! Elle a failli le tenir ! Il lui a échappé, c’est vrai. Mais elle ne se tient pas pour battue. Elle le retrouvera. Quand il sera bien à elle, elle le lâchera sur l’Italie en lui disant :
    – Je te fais roi ! Fais-moi reine !
    Et cet homme, elle l’admire, elle l’aime, elle le voit maître de sa destinée. Bafouée par lui, méprisée, elle ne l’en admire que plus violemment.
    Et voici que, dès le premier pas qu’elle va tenter vers la réalisation du rêve, se dresse un obstacle ! Obstacle ridicule : un nom ! Lucrèce n’est pas libre ! Lucrèce s’appelle duchesse de Bisaglia.
    Et parce qu’il y a quelque part dans Rome un homme dont elle porte le nom, à qui elle a juré obéissance et fidélité devant Dieu que représente son père, elle s’arrêtera, elle reculera ? Allons donc ! Lucrèce Borgia n’en est pas à une vie d’homme près, cet homme fût-il son mari.
    Et le lendemain même devant le Palais-Riant, le duc de Bisaglia était assassiné d’un coup de poignard entre les épaules par César Borgia lui-même, Lucrèce l’ayant persuadé que son mari avait tenu des propos calomnieux sur son

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