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Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Titel: Brautigan, Un Rêveur à Babylone Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Keith Abott
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éditeurs new-yorkais hantaient alors Haight
Ashbury à la recherche de ce que l’un d’eux appela « le Catch 22 des
hippies ». Lorsque les livres de Brautigan furent finalement vendus à
Delacorte, ses livres de poche devinrent rapidement un symbole médiatique pour
Haight Ashbury. L’ascension vers le best-seller fut rapide et grisante. En deux
ans, Brautigan passa des polycop’distribués de la main à la main dans la rue à
cent mille exemplaires. Un portrait de lui parut dans Life Magazine. Certaines
de ses histoires furent publiées dans des revues nationales comme Rolling
Stone et Esquire.
    Si Richard, du temps des Diggers, avait toujours fait le
premier pas pour sa propre promotion, en revanche, quand sa carrière décolla
vraiment, il fut tellement harcelé qu’il en devint hystérique. Je me revois
faisant un saut chez lui en 1968. Il passait à peu près tout son temps au
téléphone à discuter publications et lectures publiques à venir. N’étant pas
encore en mesure de s’offrir un répondeur téléphonique, il s’était néanmoins
installé un levier interrupteur sur son combiné. Au moment de partir dîner, il
s’arrêta devant le téléphone.
    « Missié Brautigan », articula-t-il dans son style
pince-sans-rire de la meilleure veine, tandis qu’il actionnait l’interrupteur,
« lui mort. »
    La vie d’un écrivain donne habituellement lieu à au moins
une double dichotomie : le décalage, d’une part, entre les écrits et la
perception que l’on peut en avoir ; la différence d’autre part entre
l’écrivain et son image auprès du public. Ces disparités firent de la situation
de Brautigan un cas tout à fait intéressant.
    Pour ses amis, quelle ironie de voir que la renommée le
transformait en ce personnage qui s’exhibait sur les couvertures de ses
livres ! Du point de vue du public, il s’imposait comme le porte-parole
d’un mode de vie lié à la « période Diggers », durant laquelle sa
poésie était distribuée sous forme de tracts dans la rue. Bien que cela n’eût,
dans le fond, pas de grand rapport avec les quatre premières fictions qu’il
avait écrites avant 1967. Ce gars fondamentalement solitaire se voyait
parachuté à la tête de la génération des communautés, avec l’image d’un gentil
hippie – cliché à la limite recevable à l’époque de ses poèmes, mais
que ses romans ne pouvaient plus assumer, avec leur sens discret et élégiaque
des relations humaines.
    Le pouvoir d’attraction qu’exercèrent ses romans sur les
jeunes en 1968 provenait de cela même qui faisait sa faiblesse dans la
vie : une capacité à ignorer le sens commun pour se concentrer sur les
aspects moins évidents de ce qui mijotait sans cesse dans son esprit. S’il est
vrai que le cerveau appréhende les diverses expériences au travers de strates
ou de filtres, alors certains lui faisaient défaut assurément. Il percevait les
choses d’une manière immédiate – ce qui fut son principal point de
rencontre avec la génération psychédélique.
    Quand il écrivait dans La Pêche à la truite que la
voix de la maman qui grondait était « pleine de sable et de cordes »,
cela collait parfaitement à l’oreille des gamins qui écoutaientl ’Eleanor
Rigby des Beatles [2] « qui
gardait sa tête dans un bocal, à la porte », ou le conducteur de bus de
Dylan qui « fuma mes paupières et composta mes cigarettes ». Pour
ceux qui se retrouvaient fracassés par le LSD, l’utilisation d’un parler simple
et direct semblait évidente. Et puis, quand on était bien
« déchiré », ses petites phrases étaient faciles à lire.
    Les couvertures véhiculaient cette image de
« baba-fumeur-d’herbe », mais il n’en était rien du personnage
lui-même. Autant que je sache, Brautigan n’a jamais pris de drogues
psychédéliques. Selon Ianthe, il en avait peur. Il craignait qu’elles ne
détruisent sa créativité. Selon son ami photographe Erik Weber, il lui arrivait
occasionnellement, avant 1967, de fumer de l’herbe. Pourtant, dès le début
1968, il avait cessé de fumer avec ses amis. Surtout parce qu’il craignait de
se faire piquer par un flic qui aurait voulu se faire mousser ; événement
qui, somme toute, n’était pas sans précédent en Californie. Moi, je ne l’ai
jamais vu fumer d’herbe. En revanche, je l’ai vu plus d’une fois refuser
ostensiblement un joint, affirmant qu’il préférait du vin ou du whisky.
L’intérêt

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