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Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Brautigan, Un Rêveur à Babylone

Titel: Brautigan, Un Rêveur à Babylone Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Keith Abott
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Livingston. Après la fermeture, nous avons échoué
dans une fête typique du Montana, autour d’un bûcher où flambait une volée de
poteaux électriques. Au cours de cette virée, j’ai été saoul, j’ai dessaoulé,
j’ai été à nouveau saoul et je me suis finalement retrouvé exténué, et
complètement dessaoulé. Tâche ardue que d’essayer de le faire décamper de cette
soirée. Ce n’est qu’après le départ des derniers fêtards que nous avons repris
la voiture de location pour enfin regagner nos pénates.
    Nous roulions sur l’autoroute le long de la Yellowstone
River quand Richard m’a dit soudain :
    « Vas-y, monte jusqu’à 100 miles à l’heure [4]  ! »
    Je n’en croyais pas mes oreilles. Certes, il était ivre,
mais jadis, aussi ivre qu’il ait pu être, il avait toujours éprouvé une sorte
de peur pathologique des accidents de voiture. Sur la route de Bolinas, lorsque
nous traversions le Golden Gate Bridge, il insistait toujours pour que je roule
sur la file de droite, car il n’y avait pas de rambarde centrale, et il
craignait un choc frontal. Cela le terrifiait. Lors de notre périple au Mont
Pamalpais, et aussi sur l’autoroute très sinueuse du bord de mer, il m’avait
supplié de ne pas dépasser le 50 kilomètres à l’heure.
    Ce soir-là, l’autoroute était très peu fréquentée. Pour lui
faire plaisir, j’ai appuyé sur la pédale d’accélérateur. Une fois le 70 miles à
l’heure atteint, j’ai ralenti.
    « Plus vite », a-t-il ordonné.
    Le compteur indiquait 80.
    « Non, je veux qu’on fasse du 100. Ici, dans le
Montana, tout le monde roule à 100 », insista-t-il, « vas-y, monte
jusqu’à 100. »
    J’ai écrasé la pédale au plancher.
    La Dodge, ce bolide que je n’aurais pas choisi pour des
escapades plus périlleuses que les courses au magasin du coin, a enfin atteint
le 100 miles à l’heure.
    Richard était satisfait.
    J’ai immédiatement ralenti. Il m’a raconté à quel point le
Montana était un État renégat. La police des autoroutes ne prenait même pas la
peine de faire respecter les limitations de vitesse, c’était dire. Ici régnait
la vraie liberté du Far West.
    Sur l’instant, je me suis dit que ce n’était là que boniment
d’ivrogne, et je n’ai pas relevé. Mais, pendant tout mon séjour, il m’a rebattu
les oreilles avec cette phrase « Ici, dans le Montana, tout le monde…».
    J’ai eu l’impression que c’était ici, dans le Montana, que
Richard s’était accordé le droit d’enfreindre ses propres tabous les plus profondément
enfouis. S’était-il laissé emporté par l’une de ses extravagances, ou bien
était-il parvenu à se convaincre qu’il faisait partie d’un clan, ce qui
l’autorisait à se comporter « comme tout le monde, ici » ?
    Quoi qu’il en soit, pour Richard – l’éternel
étranger empoté – cette conception était dangereuse.
    L’après-midi du second jour, le 5 juillet, m’a fourni un
aperçu encore plus inquiétant de son état d’esprit du moment.
    Après le petit déjeuner, Richard m’a annoncé qu’il avait
quelque chose à me montrer. Sur ce, il a disparu dans une cabane à l’extérieur
des bâtiments principaux du ranch. Il a réapparu dans la cuisine, et a déposé
sur la table une 22 long rifle, une superbe Remington d’époque à pompe.
    « Une vraie beauté, n’est-ce pas ? »
    J’ai saisi le fusil et l’ai admiré. Richard a fait remarquer
qu’il ne l’avait jamais fait vérifier.
    « Je vais aller tirer, moi », dis-je, « nous
aurons un peu de temps libre, cet après-midi, avant de descendre à Livingston.
Est-ce que tu connais un bon endroit pour aller tirer ? »
    Richard indiqua la fenêtre de la cuisine du doigt, en
direction du ruisseau, derrière la grange.
    C’est là que se trouvait la décharge du ranch, et j’allais
pouvoir y dégommer de vieilles boîtes de conserve.
    « Cela me replonge en enfance », dis-je,
« j’ai passé des années à tirer des boîtes de conserve, dans une
carrière. »
    Richard sourit. Il avait une manière élégante bien à lui
d’apprécier ce genre d’émotions – c’était l’un des charmes que sa
présence irradiait.
    « Ah ! oui, pour moi aussi, une 22 long rifle, une
boîte de cartouches et un bon vieux banc de sable, c’était le paradis. »
    Je lui ai demandé s’il désirait m’accompagner. Son sourire
s’est évanoui.
    Il m’a tourné le dos.
    « Non, je

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