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Byzance

Byzance

Titel: Byzance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michael Ennis
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grossière. Il travaillait à quelque chose ; Grettir s’avança, vit une botte, quelques bouts de cuir. Il resta sans voix ; l’homme était immense ! Mais l’énorme silhouette ne se détourna pas de sa table. Le colosse limait quelque chose lentement, avec peine, comme si pendant le reste de ses jours il continuerait de limer dans cette étrange prison. Quand l’homme leva les yeux, Grettir eut du mal à retenir son dégoût. Pas de nez, seulement des fentes béantes qui sifflaient. Mais les yeux étaient bleu clair, si les cheveux couverts de crasse avaient eu jadis la couleur de l’or. Odin, par quel caprice cet homme du Nord a-t-il été condamné à cet enfer ? La tunique du géant tombait en lambeaux graisseux.
    L’homme parla.
    — Vous avez à faire ici ?
    La langue était celle du Nord, l’accent islandais.
    — Comment ? balbutia Grettir.
    Les yeux flambèrent dans le noir, pareils à de la glace sous la lune.
    — Vous avez à faire ici ?
    La voix était étrangement passive, mais l’oreille exercée de Grettir décela un courant de menace sous la surface calme. « Hâte-toi de remplir ta mission », se dit-il.
    — On m’a dit de vous remettre ceci.
    Grettir sortit l’anneau de la doublure de sa ceinture et le posa doucement sur la table de pierre. Un instant plus tard, il était allongé sur le dos et il suffoquait. L’éclat d’acier des yeux du colosse le fixait et il avait une lame tranchante contre la gorge.
    — Que désire Mar Hunrodarson ?
    C’était une voix de loup. Grettir dut lutter pour trouver ses mots. La langue l’avait toujours aidé à gagner sa vie mais maintenant elle devait la sauver.
    — Il m’a dit que vous n’auriez pas besoin de demander ça.
    Le couteau disparut et Grettir se retrouva sur ses pieds.
    — Dans ce cas tu vivras, grogna la bête. Comme Mar m’a laissé vivre un jour.
    Le géant sans nez n’ajouta pas un mot. Il fixa simplement Grettir pendant une longue minute terrifiante, comme s’il essayait d’extraire du regard affolé du scalde des souvenirs de sa patrie lointaine. Enfin il reprit la parole, d’un ton calme et définitif.
    — Le nom de l’homme ?
    — On l’appelle Haraldr Nordbrikt, dit Grettir en repoussant le nœud dans sa gorge. Mais son vrai nom est Haraldr Sigurdarson, prince de Norvège.
    — Je ne peux pas supporter de voir ça, dit Grégori.
    Il ferma les yeux, et il aurait enfoui sa tête entre ses mains s’il n’avait pas cru qu’il serait immédiatement fouetté, ou pis, pour une telle infraction au protocole.
    — Vous ne savez pas combien d’entre eux vont tomber. Je l’ai déjà vu à l’Hippodrome.
    — Je ne peux pas la quitter des yeux, dit Haraldr, captivé par l’acrobate.
    On avait tendu la corde entre les extrémités des deux demi-coupoles qui servaient de contreforts à la coupole centrale dorée du palais du stratège. L’acrobate se tenait sur la pointe d’un pied, juste au-dessous de la balustrade de la coupole centrale. Elle étendit les bras comme un oiseau ses ailes, et sa poitrine couverte seulement par deux minuscules feuilles d’or posées au-dessus des mamelons parut rentrer dans ses côtes. Les fesses nues se contractèrent. Une troisième feuille d’or, entre ses jambes, dissimulait le peu de pudeur qu’il lui restait. Elle fit une pirouette et salua, puis s’élança presque sans pesanteur vers la sécurité du balcon au garde-fou de pierre. Les invités du stratège, plusieurs centaines assis à plus d’une douzaine de grandes tables décorées de nappes de brocart blanc et de couverts d’argent, l’acclamèrent sans retenue.
    Constantin se pencha.
    — Il demande si vous aimeriez parler à l’acrobate, traduisit Grégori. Elle s’appelle Citron. La conversation pourra être très privée.
    Haraldr s’inclina vers Constantin, près du bout de la table en forme de T.
    — Oui, répondit-il en grec, puis il se tourna vers Grégori, debout juste derrière lui. Dis-lui que je n’ai pas l’intention de laisser le linceul de la nuit me dissimuler les beautés d’Antioche.
    Constantin lui adressa un sourire mielleux. Haraldr remarqua que le stratège d’Antioche transpirait abondamment ; une goutte tomba de ses sourcils et tacha la garniture de soie couleur chair du divan sur lequel il était allongé pour dîner. Haraldr, à l’aise, se redressa sur le coude gauche. Constantin avait organisé ce dîner « à la romaine » et Grégori avait signalé que

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