Byzance
gémit et se tordit, comme si elle le vidait de sa vie. Quand elle eut terminé, il dormit de nouveau.
Il s’éveilla. De la lumière filtrait à travers les rideaux de brocart. Il se rappela vaguement la chambre du palais où Citron l’avait emmené. Elle était debout près de la fenêtre, enveloppée d’une robe de soie verte. Elle entrouvrit les rideaux et revint vers lui. Elle se pencha, les cheveux noirs tombèrent, et ses lèvres cherchèrent de nouveau la bouche de Haraldr. Elle plongea la main dans la manche de sa robe et en sortit une feuille blanche de papier d’Alexandrie qu’elle posa sur la poitrine de Haraldr. Puis, d’un pas aussi léger que si elle bondissait de nouveau sur la corde tendue dans la grande salle, elle dansa vers la porte, l’ouvrit et disparut.
— Citron…
Haraldr se laissa tomber sur l’oreiller et regarda le sceau de cire rouge. Qui pouvait lui envoyer un message ici ? Il décida de ne pas trop prolonger son impatience et rompit le sceau. Le message était écrit en runes, de l’écriture de Grégori :
Messire,
Nous nous jouons l’un de l’autre. Ces passe-temps sont bons pour des gamines comme Anna. J’espère que Citron vous a rappelé qu’il y a d’autres jeux. Demain nous allons à Daphné. Vous serez avec moi.
* *
*
— Daphné ?
Nicon Blymmédès n’en croyait pas ses oreilles.
— Vous n’avez donc reçu aucun de mes renseignements ? Croyez-vous que j’emploie des akritès, et un mandator parce qu’ils m’amusent avec leurs histoires ? lança-t-il, le visage de plus en plus rouge. Impossible de se méprendre. Nous avons la preuve de très importants mouvements de troupes à l’ouest d’Alep, et l’un des frères de Saint-Siméon a rencontré un détachement de reconnaissance ; sans un coup de chance, il n’aurait pas pu l’éviter.
Constantin jouait avec la grosse pince qui servait à marquer ses sceaux de plomb, il fit claquer plusieurs fois les mâchoires de fer. « Merveilleux, songea-t-il, la façon dont les oiseaux ajoutaient leur chorale du matin à la mélodie de ces fontaines. »
— Domestique, dit-il d’un ton insouciant, la façon dont vos akritès barbares examinent un tas de crottes de chameau pour en déduire la taille de l’armée du calife d’Égypte m’impressionne énormément. Toutefois, ajouta-t-il en feuilletant une liasse de documents, j’ai ici mes propres renseignements, et ils sont beaucoup plus éloquents que les excréments minutieusement étudiés que nous proposent vos sbires. La garantie que nous pourrons passer en toute sécurité, donnée par le calife d’Égypte ainsi que son vassal l’émir de Tripoli.
— On n’est jamais en sécurité quand on se montre imprudent ! tonna Blymmédès. Tout ce que je demande, c’est un jour ou deux pour envoyer deux vandas de cavalerie légère vers l’ouest jusqu’à Harim.
— Notre Mère n’a pas envie d’attendre un jour ou deux. Elle désire partir pour Daphné sans délai. Elle ne souhaite pas attendre les inclémences de l’hiver pendant que votre cavalerie recueille d’autres crottes ici et là.
— Très bien, dit Blymmédès, très calme, espérant encore un compromis. Nous partirons aujourd’hui, mais nous forcerons l’allure et établirons pour la nuit un camp dans les règles. Daphné est impossible à défendre.
— L’impératrice souhaite passer la nuit là-bas. Je suis certain qu’avec deux armées thématiques pour assurer sa protection, elle ne se souciera pas des inquiétudes du domestique des Excubitores impériaux.
Blymmédès comprit que c’était sans espoir ; un seul stratège était de rang plus élevé que lui, or les deux stratèges qu’il devait à présent affronter s’étaient manifestement mis d’accord sur ce programme stupide. Le seul autre recours était une insubordination dangereuse. Et les deux stratèges, quelles que fussent leurs carences en matière militaire, avaient le pouvoir de faire punir un domestique promptement et sans merci pour toute usurpation de leur autorité. En tout cas, défendre Daphné serait un exercice intéressant de déploiement tactique. Blymmédès s’inclina sèchement.
— Nous serons prêts à quitter Antioche dans l’heure.
* *
*
— Voici, maîtresse.
Les doigts de Siméon, à peine vivants, aussi transparents que du parchemin, placèrent les documents devant Zoé. Les sceaux brisés pendaient. L’impératrice était allongée sous des couvertures
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