Byzance

d’un violet lumineux ; la lourde litière impériale laquée de blanc exigeait un chariot entier pour son transport.
    — Ce sont les documents originaux ? demanda Zoé tout en lisant.
    Ses ongles vernis grattèrent la pommade séchée qui masquait son visage.
    — Oh oui, maîtresse. Après les avoir ouverts, nous jugeons toujours préférable d’en faire une copie exacte avec un nouveau sceau, et d’envoyer le double. Un œil exercé peut toujours déceler quand un sceau a été ouvert et refermé.
    Zoé continua de lire pendant plusieurs minutes. Elle se pencha en arrière sur ses coussins et ferma les yeux. Siméon attendit patiemment ; une veine bleuâtre palpitait juste au-dessous de la peau de sa tempe.
    — Intéressant, dit enfin Zoé. Tu crois vraiment que c’est Attaliétès ?
    — Non, maîtresse, dit Siméon sans hésiter. Ils sont venus à nous trop providentiellement pour être envoyés par la Providence.
    — Intéressant. Donc c’est quelqu’un d’autre qui veut ridiculiser un idiot. Et seule notre Mère dans le ciel sait ce qu’il nous prépare. Vraiment très intéressant.
    Les yeux de Zoé étaient encore clos et elle parut songeuse pendant un instant.
    — Maîtresse ? demanda Siméon. Désirez-vous faire quelque chose à ce sujet ?
    Il put croire que Zoé ne l’avait pas entendu.
    — Oh ! Siméon… Non, je t’en prie. Rien. Nous ne ferons rien.
    * *
*
    — Blymmédès m’a paru très convaincu, dit Ulfr. Bien entendu nous n’avons pas examiné le terrain à Daphné, mais ce qu’il m’en dit ne manque pas de sens.
    — Je suis certain que nous trouverons la situation comme Blymmédès l’a décrite, pensa Haraldr à haute voix. J’ai l’impression qu’il se prépare quelque chose de trouble. Je sens un complot.
    Il se tourna vers Ulfr et Halldor pour leur décrire l’algarade de la veille entre Attaliétès et l’impératrice.
    — Peut-être, réfléchit Ulfr. Mais Blymmédès nous a dit qu’il avait reçu l’ordre de l’impératrice elle-même, et que les stratèges d’Antioche et de Cilicie étaient d’accord.
    Haraldr savait qu’Attaliétès était l’ennemi de l’impératrice. Si Joannès était aussi l’ennemi de l’impératrice, Constantin pouvait très bien se trouver l’allié d’Attaliétès malgré le mépris du dynatoï pour l’eunuque.
    — Je préférerais entendre les ordres de l’impératrice de mes propres oreilles, dit Haraldr en faisant signe à Grégori de s’avancer.
    Il éperonna son cheval et se dirigea vers les voitures impériales.
    Siméon, le chambellan impérial, voyageait dans sa voiture personnelle avec deux eunuques à cheval à côté. Il écarta le rideau rouge et passa la tête. Ses yeux bleus aqueux, dont le blanc jaunissait, ouvraient des fentes dans son visage. « Des yeux trompeurs », se dit Haraldr. Il y avait lu de l’autorité pendant le dîner de la veille.
    — Chambellan, j’espère que vous ne me jugerez pas trop impertinent si je discute avec vous de mes inquiétudes au sujet de la sécurité de notre Mère.
    Siméon inclina la tête, Haraldr répéta les craintes de Blymmédès tandis que Siméon le dévisageait d’un air curieux.
    — Vous comprenez bien que nous dépendons des armées thématiques pour assurer la sécurité sur un périmètre aussi vaste, conclut Haraldr.
    — Komès, déclara Siméon sur un ton chantant, l’impératrice est elle-même l’architecte de son destin.
    Il referma le rideau et sa voiture continua de rouler.
    * *
*
    — Daphné.
    Zoé écarta le rideau et respira longuement.
    — On sent déjà les roses.
    Sa voiture passa devant une longue pergola de marbre garnie de lierre.
    — L’air est aussi parfumé et pur que de l’eau. Tu sais ce qu’on dit : « Il y a Antioche, et puis Daphné. » Il faut être ici pour comprendre à quel point c’est vrai.
    Zoé respira de nouveau l’air frais au parfum de fleurs.
    — Des cyprès, des pins, des roses… le paradis ! Belle Daphné, tes grâces sont notre récompense, s’écria-t-elle en se retournant vers Maria. Tu n’es pas inquiète, n’est-ce pas, petite fille ? Siméon a simplement jugé que nous devions savoir. Je ne peux pas dire que cela change quoi que ce soit.
    Le visage de Maria s’anima.
    — Cela signifie que ce Haraldr est presque certainement dans la conspiration. Si cela doit se passer près de Saint-Siméon, et si ce Haraldr prétend que cela se passera ici, il nous invite à