Byzance
faire attention aux chiens à nos pieds tout en sachant que le lion s’avance de derrière.
— Mais le komès Haraldr estime sans doute que Constantin et Attaliétès sont alliés dans cette entreprise. Cette accusation n’a aucun sens, à moins que…
— Oui ! Oui ! Le meilleur acteur est à la fois un menteur et un fou ! Euthymios paierait mille solidi pour les talents de ce Haraldr.
Maria, outrée, avait les joues en feu. Zoé lui retint les mains.
— Je crois qu’il est innocent, simplement parce qu’il n’y a aucune méthode, aucun plan dans ses manigances. Pourquoi aurait-il mis si ouvertement Attaliétès au défi hier soir s’il était le complice de ceux qui veulent tourner Attaliétès en ridicule ? Il a déjà ridiculisé Attaliétès et donc gâté les effets de la scène qui doit suivre. Et pourquoi nous aurait-il prévenus d’une conspiration dont nous avons déjà été mises au courant d’une manière beaucoup plus subtile et trompeuse ?
— Vous croyez donc que cela se produira ici ?
— Oh ! ma chérie, je ne me soucie guère de l’endroit où cela se produira !
Zoé se pencha en arrière et admira l’élégance triste d’une arche en ruine.
— Il faut profiter de ta journée ici, ma chérie. Souviens-toi seulement que je considère maintenant mon Tauro-Scythe, le komès Haraldr, comme uni à moi par une loyauté qui embrasserait la mort entre des bras avides. Il ne te reste plus qu’à le lier à notre cause par un lien encore plus implacable.
Maria se tourna vers la splendeur morte de Daphné et ne répondit pas.
* *
*
— Qui sont ces hommes ?
Des cheveux blancs tombaient du crâne nu de Siméon derrière ses oreilles, et plusieurs mèches errantes flottaient dans la brise comme des fils de la vierge. Les Varègues s’étaient mis au garde-à-vous ; les armures pectorales luisaient.
— J’ai détaché ces hommes pour suivre l’impératrice à distance discrète partout où elle souhaitera se rendre.
Haraldr appuya sa hache à une seule lame contre les maillons brillants d’Emma.
— Ces hommes ne sont pas nécessaires, dit Siméon en dévisageant les Varègues de son regard transparent. Relevez-les de leurs devoirs militaires pour qu’ils puissent s’imprégner de la culture des Anciens. Cela renforcera leur admiration pour les grandeurs de l’Empire romain, et fera d’eux, sans nul doute, de meilleurs serviteurs de Sa Majesté. L’impératrice, ajouta-t-il en se tournant vers Haraldr, estime qu’à vous seul vous constituez une escorte suffisante pour sa personne sacrée et ses dames. Et puis, komès, ne vous présentez pas à elle dans votre tenue de guerre. Elle n’a nulle envie qu’on lui rappelle les affaires militaires de quelque manière que ce soit.
* *
*
L’impératrice était accompagnée par les eunuques Léo et Théodore, par deux servantes et par Maria et Anna. Elle attendait Haraldr et Grégori sous un grand laurier isolé ; le parfum de Zoé et celui de ses dames se mêlaient à la senteur des feuilles.
— Komès ! s’écria-t-elle d’un ton animé.
Haraldr domina son envie de regarder le visage de Maria. Il s’agenouilla devant l’impératrice et elle lui accorda sa main à baiser. Quand Haraldr et Grégori se relevèrent, Zoé scruta l’interprète d’un regard soupçonneux, puis lui parla d’un ton vif.
— Elle demande si vous pouvez me faire confiance…
— J’ai compris, Grégori. Sur ma vie, dit-il en grec en regardant l’impératrice.
Zoé inclina lentement la tête puis souleva l’ourlet de sa robe et se retourna.
— Daphné ! lança-t-elle en arrachant à l’arbre une feuille qu’elle appuya contre sa joue. Chère petite Daphné. Vous connaissez son histoire, komès Haraldr ?
Haraldr secoua la tête.
— Daphné était la plus belle des nymphes qui vivaient en cet endroit, le plus beau de la terre. Apollon, fils de Zeus, amoureux de beauté, baissa les yeux sur elle tandis qu’il passait dans le chariot du soleil. Saisi d’un désir fou, il bondit sur la terre et la poursuivit ! Terrifiée, elle s’enfuit pour sauver la belle fleur de sa chasteté.
Ce passage parut amuser énormément les dames.
— Mais Apollon était rapide et têtu ! Il se jeta sur elle avec sa lance d’or prête à la percer de la blessure dont on ne guérit point. Pas de pitié parmi les dieux ! Daphné supplia et sanglota, et la bonne Gaïa, mère de la Terre, la prit en pitié. « Bah ! »
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