Byzance
au centième pas. À cent soixante, il s’arrêterait et écouterait son assassin.
Cent quarante-huit. Un bruit. Quelque chose frôla sa jambe et fila. Haraldr frissonna, les filgya prenaient souvent la forme de petits animaux. Cent cinquante-huit, cinquante-neuf, cent soixante. Haraldr attendit que son cœur s’apaise et écouta. Rien. Hécate était aussi silencieuse que la mort.
Cinq pas de plus et il écouta de nouveau. Quatre de plus. Il avait la chair de poule et pourtant il ne percevait rien, même si près de son destin. Puis il comprit soudain. « L’impératrice ! Pendant que je m’enterre dans ce donjon, ma Mère et mes hommes liges sont probablement en train de défendre leur vie ! » Il tourna brusquement, perdit l’équilibre et trébucha.
Il se redressa, le sang glacé. Il était tombé de deux ou trois marches. Il tendit le bras. Rien. Pas de pierre. La barrière qu’il avait touchée dans l’après-midi avait disparu. Très lentement, il descendit une autre marche. Rien. Haraldr s’arrêta. Vers le haut ou vers le bas ? Vers le bas. Puis quelque chose lui dit que la bête à laquelle il ne pourrait pas échapper l’attendait plus bas.
Au bout de deux cent cinquante marches, les murs se resserrèrent. Haraldr dut se tourner de côté pour se glisser entre eux. Puis il n’y eut ni mur ni marches. Il s’avança et buta sur une nouvelle muraille. Il passa la main sur la surface humide. Il baissa les yeux vers ses pieds et les distingua, ombres vagues contre d’autres ombres. Un escalier s’offrait sur sa droite. Il descendit, la lumière vint à sa rencontre comme une aube d’hiver ; il pouvait presque voir chaque marche avant de poser le pied dessus. Au trois cent vingt-cinquième pas, il se glissa dans un passage encore plus étroit que le précédent et se retrouva de nouveau dans un vestibule sinistre éclairé par une lumière venant de plus bas.
Les quarante dernières marches étaient en ligne droite. Des piliers sculptés marquaient l’entrée du sanctuaire. La lampe unique, à l’intérieur de la chambre aux murs noirs, se trouvait juste au-dessus de la porte. La flamme crachotante éclairait un bassin carrelé empli d’eau. L’eau se couvrait d’une brume pâle. Non, de vapeurs. L’air était tiède, presque aussi étouffant qu’un sauna.
La statue d’Hécate se dressait sur une plate-forme basse derrière le bassin. Elle semblait enveloppée d’une robe réelle de tissu noir fin, dont dépassaient seulement des chevilles et des pieds d’albâtre délicat. Elle avait la tête inclinée et les cheveux peints d’une manière si précise qu’on les croyait aussi réels que son vêtement.
La statue bougea. Haraldr se baissa pour dégager la dague de sa botte, sans quitter des yeux le mouvement irréel. Il recula, cherchant l’angle pour protéger son dos et ses flancs, au cas où il y en aurait d’autres.
La robe glissa des épaules et la statue révéla un albâtre sans défaut, sauf les mamelons sombres et la toison noire entre les jambes. Le visage se releva. Les lèvres étaient rouges et les yeux bleus, même dans cette pénombre. Haraldr frémit sous un choc qu’il n’avait jamais escompté. Maria était sa Walkyrie et sa peau blanche l’entraînait dans la dernière nuit noire de sa mortalité.
Elle s’immobilisa, les cheveux brillants, et sa nudité lui servit presque d’armure. Haraldr fit un pas timide en avant, puis ses bottes furent trempées et il pataugea dans l’eau tiède. Elle lui fit signe, ses lèvres rouge sang s’entrouvrirent. Il demeura comme paralysé, incapable de croire à la perfection de son corps. Puis il s’avança. Il ne vit le poignard qu’au moment où elle l’écarta de sa cuisse.
Impossible de croire que tant de beauté pouvait être unie à la mort. Il regarda sa poitrine se soulever quand elle projeta le bras en avant, il y avait une veine bleue sous la surface ivoirée de sa peau. La lame scintilla contre la gorge de Haraldr. Elle le maintenait captif par son regard.
Le couteau glissa très vite. Quand elle coupa le col, elle lui érafla le cou et du sang tiède perla. Sans le quitter des yeux, elle continua vers le bas, et le devant de la tunique de Haraldr s’ouvrit. Elle baissa alors le bras pesamment comme si elle venait de se soulager d’un grand fardeau, et le couteau cliqueta sur la pierre. Ses seins se soulevèrent lorsqu’elle respira, puis elle se mit à déchirer la soie et la toile. Quand
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