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Byzance

Byzance

Titel: Byzance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michael Ennis
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percevait ses rythmes, la montée du matin et le coucher du soir, avec un ineffable instinct primitif, un peu comme une abeille situe sa ruche. Il ne sentait qu’une vibration, mais elle lui indiquait le temps avec beaucoup plus de précision que les machines grandioses avec lesquelles s’amusaient les dynatoï. Et dans les mouvements de sa ville, il pouvait aussi discerner beaucoup de choses que ces horloges ne diraient jamais à leurs propriétaires dans leurs palais de la colline. Mais en cet instant, seul le temps le préoccupait.
    « Tout va bien », se dit-il. Le message avait été reçu pendant la deuxième heure, exactement selon le plan. La troisième heure s’était écoulée sans signal ; c’était un soulagement immense, surtout si l’on tenait compte de l’imprévisibilité des agents avec qui il traitait. Mais son effort épuisant serait vain si la quatrième heure s’écoulait sans message. Et la ville disait alors à l’orphanotrophe que la quatrième heure de la nuit était déjà aux trois quarts passée. Le message avait déjà plusieurs minutes de retard.
    Furieux de son impatience et de son manque de sérénité, l’orphanotrophe se dirigea vers le trône ; il quitta la salle d’audience par l’entrée dérobée qu’utilisait l’empereur, monta le grand escalier en spirale jusqu’à la salle du cabinet, puis prit l’escalier plus petit qui desservait la salle de l’horloge et le toit d’observation. Les employés étaient à leur poste, habitués à la présence du moine géant sans pour autant être à l’aise. Joannès sortit sur son balcon privé adjacent au toit d’observation. Des lampes scintillaient le long du front de mer au-dessous de lui et les points brillants des lanternes de bateaux dérivaient sur le Bosphore. Ici et là, les palais des dynatoï sur la côte asiatique formaient de petites constellations vers l’est. Joannès connaissait la position exacte du mont Afxendios, et il regarda sans ciller. Il ne restait plus que dix minutes dans l’heure.
    Huit minutes. Le phare scintilla pendant un bref instant puis, plus brillante que l’étoile du soir, la lumière qui s’était allumée dans le lointain phare de Toulos explosa et franchit la vaste étendue de l’Asie Mineure. Dommage, se dit Joannès en se retournant brusquement pour rentrer dans le palais, le sénateur et magister Nicon Attaliétès vient de perdre son fils bien-aimé.
    Joannès ouvrit la porte d’une petite antichambre du rez-de-chaussée, salle désaffectée qui servait autrefois de magasin pour les encensoirs et les icônes dont le Palais était empli pour les grandes cérémonies. Joannès avait fait fondre une bonne partie de ces trésors superflus. L’homme attendait dans le noir, et Joannès alluma une seule lampe à huile ; il avait appris, des années plus tôt, que les hommes trouvaient une lumière scintillant sur son visage beaucoup plus effrayante que simplement sa voix émergeant des ombres.
    — Merci d’avoir attendu, dit-il.
    L’homme traîna des pieds et s’inclina profondément. Sa tunique de toile grossière révélait de gros mollets puissants. Il avait le visage rond mais de longues cicatrices desquelles ses bajoues pendaient comme si on les avait cousues à son visage ; sur son gros nez veiné luisaient des verrues. Il sentait le vin résiné bon marché.
    — Je tenais à ce que vos amis et vous connaissiez la vérité avant que les dynatoï ne se mettent à déverser leurs mensonges dans la ville, dit Joannès. Une tragédie terrible vient de se produire par la négligence des puissants qui sont si bien nantis, alors que vous possédez si peu. Ces puissants qui font obstacle à tous les efforts de notre administration impériale pour alléger vos souffrances.
    — Personne n’a fait pour nous davantage que vous, orpha-notrophe que nous vénérons comme la main bénie du Christ Roi, répondit l’homme d’une voix obséquieuse.
    On eût dit le grondement d’un ours rendant sincèrement hommage à un lion. Il serra ses gros poings calleux contre sa tunique en un geste d’humilité où se mêlait de l’inquiétude.
    — Vous savez à quel point le peuple vous est reconnaissant de ce que vous avez fait, ajouta-t-il.
    Joannès regarda les poings serrés avec satisfaction. Le Boucher – il ne connaissait pas le vrai nom de l’homme, et ne se souciait guère de le connaître – avait été charcutier autrefois. Il avait eu des ennuis avec le

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