Byzance
rejaillir dans mes cheveux. Je la connais depuis bien plus longtemps que vous. Vous n’êtes qu’une accalmie dans la tempête. Vous a-t-elle déjà parlé de moi ?
— Oui, répondit-il, mais en fait il ne savait rien, et cette pensée le rendait malade. Elle m’a dit qu’elle vous avait connu pendant un certain temps, que vous étiez proches. Je n’ai pas demandé…
— Ne vous en faites pas, je ne l’ai pas baisée. En toute sincérité, je l’ai jugée folle. Elle l’était encore plus que maintenant. Elle avait une telle rage. Une rage profonde, une rage qu’Odin aurait comprise. Elle me désirait pour se punir. Sincèrement. J’admets volontiers que je prends parfois plaisir à punir des hommes, mais pas des femmes. Je n’ai jamais frappé une amante.
— Autant que j’ai pu voir, vous n’avez pas d’amantes, répondit Haraldr.
Avant qu’il ait eu le temps de regretter ces paroles, la main de Mar le saisissait à la gorge. Haraldr crut qu’il allait étouffer, mais presque aussi vite, Mar ôta sa main et regarda par-dessus son épaule pour vérifier que personne n’observait. Ses yeux étaient d’un bleu meurtrier.
— Ne surestimez pas votre utilité, prince de Norvège, lança-t-il entre ses dents, puis il se détourna et partit à grands pas.
Joannès caressa l’encolure de son étalon noir qui hennissait.
— J’espère qu’il vous plaît, mon neveu, cria-t-il à Michel Kalaphatès.
Michel leva la tête vers le péristyle de son nouveau palais.
— Il est magnifique, mon oncle. Tellement… hellénique. Qu’en pensez-vous, mon oncle ?
Les sabots du cheval de Constantin claquèrent sous le porche de marbre.
— Vraiment magnifique. Il me rappelle Antioche. Bien joué, mon frère, lança-t-il à Joannès. C’est un palais digne d’un césar.
Michel fit faire volte-face à son arabe blanc pour se tourner vers la Corne d’Or, le port naturel qui limitait Constantinople sur le nord. Les bateaux qui s’entassaient dans le chenal étroit semblaient de petits jouets peints d’une main d’artiste. Sa nouvelle résidence ressemblait beaucoup à un ancien temple païen, avec son péristyle de deux étages entouré de bosquets de cyprès et d’un vaste parc pour la chasse. Le bâtiment le plus proche, en dehors des étables et des logements de service, était un autre palais d’un blanc d’ivoire, qui se dressait sur un promontoire vert à une vingtaine de stades. Le césar l’ignorait, mais à peu de distance au-delà, se trouvait le palais de campagne de l’augusta Théodora.
Les trois hommes mirent pied à terre. Joannès fit signe à l’escorte, arrêtée sur une route pavée qui serpentait sur la colline douce. Les centaines d’écuyers, de chambellans, de gardes, de cuisiniers, de maîtres de la garde-robe, de veneurs et de prêtres défilèrent en un autre cortège à la gloire du nouveau césar. Des valets vinrent s’occuper des chevaux, mais Joannès chassa le jeune homme chargé de prendre son étalon et continua de tenir la bête par la bride.
— Je dois rentrer au Palais, vous savez quel fardeau retombe sur mes épaules. Je voulais simplement vous voir bien installé et m’assurer que vous seriez heureux ici.
— Mon oncle, je suis aux anges, dit Michel en ôtant son bonnet écarlate en signe de respect. Je regrette seulement que votre sollicitude pour mon confort vous ait inspiré de me placer si loin des tâches ardues et des soucis multiples du Palais impérial. Car vous aider à supporter les charges de notre bien-aimé empire soulagerait en quelque manière l’immense gratitude qu’a suscitée en moi votre fantastique générosité. Si splendides que soient ces conforts, mon cœur se réjouirait de savoir que je pourrais immédiatement, instantanément, répondre à toute requête de mon oncle s’il avait besoin de quelque assistance.
— C’est ici que j’ai besoin de vous, mon neveu. Il faut vous reposer, réfléchir, construire les réserves de force et de sagesse dont vous aurez besoin, dans l’intérêt de Rome tout entière, si vous êtes appelé un jour à chausser les cothurnes impériaux. De même que le stylite en haut de sa colonne loue le Seigneur par son immobilité, votre utilité réside dans votre patience et votre dévotion sédentaires, aussi précieuses au Pantocrator que l’agitation de toute la Taghmata impériale. Maintenant, mon neveu, mon frère, je dois prendre congé de vous et vous laisser au plaisir
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