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Byzance

Byzance

Titel: Byzance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michael Ennis
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pour noter dans leurs annales tout ce que nous avons vu.
    Haraldr serra les mains de Maria. Ce qu’elle venait de lui apprendre au sujet d’Abélas « sonnait juste », comme elle aurait dit. Mais si Abélas possédait les dons d’un voyant, il pouvait sans aucun doute voir à travers le temps. Et il avait reconnu Haraldr, il l’avait vu naître, l’avait vu mourir, avait vu le dernier dragon voler à la fin des temps. « Et peut-être, se dit Haraldr, a-t-il vu mon âme sans masque. »
    — Il vous a reconnu, n’est-ce pas ? dit Maria.
    Les yeux de Haraldr trahirent sa surprise. Maria elle aussi était douée, et peut-être dangereusement douée. Haraldr regretta que Zoé les eût laissés seuls. Il se sentait beaucoup moins sûr de lui à présent avec elle, à la lumière des chandelles. Ce n’était pas l’amie qu’il avait fini par aimer au cours des longs après-midi d’été. Elle était redevenue l’amante qu’il avait connue au cours de nuits sans fin. Il savait ce qu’elle désirait : la révélation du secret qui séparait leurs âmes et il ne pouvait encore le lui confier.
    — Non, répondit-il sans oser la regarder. Il ne m’a pas reconnu.
    Maria baissa les yeux et ses cils fins s’efforcèrent de retenir les larmes qui perlaient. Quand elle releva de nouveau la tête, son visage exprimait une sorte de résignation tragique.
    — Regardez, dit-elle, elles vont danser.
    Les danseuses, une troupe de vingt belles jeunes femmes habillées un peu comme Maria mais en soie plus colorée et moins précieuse, formèrent un cercle, leurs bras entrelacés en une chaîne continue. La musique de flûte et de cymbales retentit, et elles se mirent à onduler, d’abord des hanches, sensuelles, puis avec tout le corps en maintenant les bras immobiles. Progressivement, elles construisirent des rythmes plus élaborés, plus frénétiques, jusqu’à ce que le cercle se mît à tourner comme une toupie tout en changeant sa forme sans fin. Bientôt des jeunes hommes et des jeunes femmes, la plupart éméchés, se mirent à former des cercles eux aussi et à pirouetter – peut-être avec moins de grâce mais avec autant d’ardeur. Maria saisit impulsivement Haraldr et l’entraîna vers un des cercles sur la terrasse au-dessous d’eux. Ils dansèrent avec un groupe pendant quelque temps, puis le cercle se brisa en groupes de quatre, et enfin par couples laissés à leur propre improvisation. La musique devint plus violente, la nuit n’était plus qu’un tourbillon de soie éclatant de lumière. Maria abandonna bientôt Haraldr et se glissa au milieu de la troupe professionnelle ; sa grâce était presque égale à la leur, ses hanches ondulantes et ses jambes nues encore plus érotiques. Ses yeux et ses dents brillaient.
    La musique s’arrêta enfin pour offrir quelque répit aux danseuses épuisées. Maria s’avança vers Haraldr, sa poitrine se soulevait et retombait rapidement, elle avait le front moite. Elle le prit dans ses bras et il sentit que sa passion n’était que momentanément détournée. Elle leva vers lui ses yeux en feu.
    — Je donnerais mon âme pour faire l’amour avec vous ce soir, dit-elle. Pouvez-vous me donner la vôtre ?
    Haraldr la serra contre lui.
    — Je sais ce que je devrais vous dire, répondit-il.
    « Parle-lui », supplia une voix en lui-même. En cet instant, toute inhibition avait disparu : les serments à la Norvège, le risque de se voir découvert, la peur qu’elle le trahisse. Et pourtant, jamais la vérité n’avait semblé enfouie plus profondément dans sa poitrine. S’il lui disait qui il était, tout changerait entre eux. Et en cet instant, il l’aimait trop pour avoir envie de changer quoi que ce fût. Maria attendit, les yeux en pleurs. Puis elle baissa la tête.
    — Pourquoi ? Je partagerai tout avec vous : si vous êtes un criminel, un traître, un esclave, si vous avez une femme, une reine, une prostituée, peu m’importe. Il faut que je sache qui vous êtes. Ne voyez-vous pas à quel point c’est important pour moi ? Je veux savoir comment vous situer dans ma vie. Je ferai tout ce que vous voudrez, mais il faut que je sache.
    Elle leva de nouveau les yeux vers lui, et à cet instant Haraldr comprit qu’ils se trouvaient tous les deux au bord d’un précipice et qu’ils pouvaient soit sauter ensemble dans les bras l’un de l’autre, soit s’éloigner du bord séparément, à jamais inconnus l’un pour l’autre.

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