Byzance
Ne pourriez-vous pas m’aider en me transmettant ses paroles ?
La tête du moine pivota du côté de frère Siméon, et il haussa les épaules. Il attendit un instant puis se retourna vers Constantin.
— Il parle aussi fort qu’il peut, cria le moine, ce qui eut un effet assourdissant dans la cellule en forme de cloché. Vous ne pouvez pas entendre ?
Constantin enfonça ses index dans ses oreilles brutalisées et murmura :
— Oui. Oui, je l’entends. C’était assez fort. Frère Siméon, merci pour votre aimable invitation à examiner vos documents.
Il parcourut la cellule des yeux ; le chartophylax possédait peu de chose et il serait sûrement facile de les découvrir. Il espéra seulement qu’il n’avait pas trop préjugé de l’hospitalité de frère Siméon. Apparemment non : le moine sans nez ne dit rien lorsque Constantin saisit le coffre de bois tout simple qui se trouvait par terre à la droite de frère Siméon. L’extérieur ne portait aucun ornement, mais le petit coffre était fermé par de grosses charnières forgées et un solide cadenas de bronze. Constantin marqua un temps et choisit ses mots avec soin.
— Frère Siméon, s’il vous plaît, voulez-vous demander à votre frère de me remettre la clé de ce cadenas ?
Le moine balaya de la main la poussière du sol, souleva une petite dalle de pierre, prit une clé et la remit à Constantin. En priant avec ferveur le Pantocrator, Constantin inséra la clé et tourna ; il fut récompensé par le claquement sec du mécanisme.
Le coffret était doublé de feuilles de plomb et les papiers se trouvaient en vrac à l’intérieur. Constantin s’assit par terre et souleva le rat-de-cave pour pouvoir lire. Au bout d’un long moment, il releva la tête et dit :
— Intéressant, frère Siméon. Je vois bien que vous étiez parfaitement innocent dans cette affaire. Et je peux vous assurer que les autorités responsables de Constantinople seront mises au courant de votre innocence dès mon retour.
« Et comment ! » se dit Constantin. Outre les habituelles divagations des ermites sur « la lumière incréée », le frère Siméon avait conservé un récit de sa disgrâce. Apparemment, il avait découvert la preuve de la naissance de « l’enfant bâtard » et communiqué le secret au père Katalakon qui s’était rendu auprès de Joannès avec l’information en dépit des objections de frère Siméon. Joannès avait immédiatement enfermé le père Katalakon au Néorion, et avait envoyé quelques sbires pour se saisir de l’infortuné frère Siméon et le conduire au même endroit. Mais les moines avaient caché frère Siméon et l’avaient fait filer jusqu’à ce sanctuaire, où il avait terminé ses jours.
Constantin se pencha de nouveau vers les parchemins, certain que la lettre cruciale devait se trouver parmi les documents. Mais non. Il arracha la doublure de plomb : rien. Il parcourut de nouveau les parchemins, puis il comprit et faillit éclater en sanglots. C’était Joannès qui détenait la lettre…
Tout n’était pourtant pas perdu. Il n’était pas inconcevable que le père Katalakon fût encore vivant. Et d’ailleurs, le simple fait de connaître le crime que Joannès avait commis et le secret qu’il avait étouffé serait utile…
Non. Constantin comprit soudain le désespoir extrême de sa position : assis dans la nuit chaude de Cappadoce avec un moine sans guère plus de cervelle que de nez, il essayait d’arracher des secrets à un tas d’os puants, alors que son neveu était peut-être déjà en train de chanter des psaumes dans une île lointaine. Il eut envie de verser des larmes pour apaiser un peu son désespoir, mais il se dit qu’un homme de ses compétences ne devait pas se laisser abattre par de tels revers de fortune.
Il souleva sa chandelle pour inspecter la cave. Il y avait peut-être d’autres coffres. Non. Puis quelque chose scintilla dans les haillons de frère Siméon. Là, derrière la cage thoracique vide. Oui, c’était assez grand. Oui. Vraiment, oui.
— Frère Siméon, commença Constantin d’une voix que l’excitation faisait trembler. Je suis prêt à retourner à Constantinople pour plaider votre affaire. Mais pour pouvoir le faire, il faut que j’emmène cette lettre que vous avez scellée dans les feuilles de plomb puis cousue dans la doublure de votre habit. Excusez-moi, je vous prie… Je vais l’enlever.
Constantin rampa au-dessus du squelette et
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